Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome premier

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( 189 ; été peuplés que des mécontens ; les uns y sont venus de force, les autres pour donner un libre cours à leurs opinions. Nous avons eu des prédécesseurs; plaise à Dieu que nous n'ayons pas de successeurs, car on attend ici 3000 deportés ! La distance de Cayenne à notre patrie ne doit pas nous désespérer. Ces déserts et ces précipices sont du choix de nos ennemis ; mais les arts naissent par-tout, apprivoisent tout, peuplent tout. Tant que notre Gaule fut couverte de bois, les romains y déportèrent leurs exilés, et Milon se dépitoit de manger des huitres à Marseille. Que le tems nourrisse dans nos cœurs l'espoir de revoir nos foyers, et nos cendres retourneront en France.... Vous dont les noms nous sont chers, parens, amis, bienfaiteurs , opprimés, que nos soupirs se répondent , nous voilà rendus à notre destination. Après tant de dangers, nous nous croyons immortels. L'heure du souper nous distrait. Au moment où chacun forme sa société, cinq voleurs déportés avec nous , un peu pris de boisson , se réunissent et se font appeler le directoire. Cette qualité leur reste , et les administrations de Cayenne, à qui nous les recommandons.


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