Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome premier

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( 180 ) blancs et de noirs borde les deux parapets du pont de charpente , où nous montons par une échelle de meunier ; les soldats serrent les rangs. Les haillons qui nous couvrent, la misère empreinte sur nos fronts, notre air déconcerté et inquiet, réveillent l'attention des spectateurs; au bout de quelques minutes, la joie d'avoir enfin touché la terre nous rend à nous-mêmes, nos pieds incertains cherchent l'équilibre , comme si nous étions ballottés par un roulis ; nos nerfs , continuellement tendus, se dilatent; enfin nous étendons nos membres, comme le cerf dont les jambes roides à la sortie d'un étang, se refont après quelques heures de repos. Des yeux avides nous toisent... Quels êtres , grand Dieu ! sont-ce des hommes ou des bêtes fauves? Parmi cette race nuancée de toutes couleurs, quelques européennes nous fixent avec cet intérêt que les âmes sensibles prennent aux malheureux. La milice noire, les pieds nus , plats et épatés comme un éléphant , revêtue d'un mauvais juste-au-corps blanc et d'un large pantalon de même couleur , qui contrastent avec les traits des figures gaufrées, nous traite plus impitoyablement que les grenadiers d'Alsace, à peine


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