Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome premier

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arrivâmes à Bicêtre à 8 heures du soir. Je perdis de vue Pascal et Welter, qui furent conduits aux Carmes , rue de Vaugirard. A Bicêtre , nous fûmes confondus avec les plus grands scélérats, qui me volèrent jusqu'à ma chemise ; celui qui me la prit me dit qu il en avoit besoin pour aller à la chaîne, où il étoit condamné pour dix ans , et que j'eusse à me taire si je ne voulois pas être assassiné pendant la nuit : je me tus, mais je pleurai a mon aise. On me guérit à moitié , car il falloit faire place à d'autres , mes plaies n étoient qu'à demi-fermées quand je montai aux cabanons; la maison fournit de linge comme un hôpital, on me donne une chemise élimée et trouée à 1 estomac du côté gauche : cette tunique avoit servi deux ans auparavant aux malheureux qu'on , avoit égorgés dans cette prison : les trous étoient faits par les sabres et les. piques qu'on leur avoit enfoncés dans le cœur, quand ils étoient aux cabanons et aux infirmeries , car les malades furent les premières victimes. J'étois seul dans mon cabanon : depuis dix jours mes plaies s'étoient rouvertes , un sang noir mêlé de pus en découloit ; la rudesse du linge


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