Voyage à Cayenne dans les deux Amériques et chez les anthropophages.Tome premier

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( 51 ) quelques lilies errantes avec des militaires en uniforme; des tombereaux, traînés par des coupables enchaînés et attelés comme des chevaux, nous reflètent la réalité de notre misère. Le malheur nous rend plus sages, toutes les fois qu'il ne nous réduit point au désespoir. Nous nous conformons à la régie de nos prédécesseurs d'infortuné, qui, en ouvrant les yeux, offrent, leurs maux à l'Eternel, et lui demandent la patience et l'amélioration de leur sort. A huit heures, on nous sert un pain noir, dans lequel nous trouvons du gravier qui nous brise les dents, des paillies, des cheveux, et cinquante immondices: on croiroit que le boulanger l'a pétri dans le panier aux balayures. On apporte en même temps une tête de bœuf, quelques fressures et un gigot de vache, qui paroit tuée depuis quinze jours, et arrachée de la gueule des chiens voi aces, qui se la disputoient à la voirie. Pour dessécher nos lèvres noires de méphitisme , on nous donne pour deux liards de liqueur appelée eau-de-vie , mais tellement noyée d'eau, qu'il n'y en a pas pour un denier. Poupaud jure comme un comité révolution-

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