Contribution de la Guadeloupe à la Pensée Française

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CONTRIBUTION

DE LA GUADELOUPE

les remarques malicieuses des gens de la ville, car elle avait dans la démarche l'empreinte d'une tristesse profonde. Jouait-on sur le théâtre quelque grotesque comédie où chacun s'épanouissait en longs éclats de rire, Séraphina seule gardait le silence et restait pensive. Savez-vous pourquoi on ne pouvait voir le sourire sur les lèvres de la jeune femme, c'est que depuis son arrivée dans la ville elle avait dérobé ses traits à la curiosité publique. Elle portait toujours sur son visage un masque noir. Du reste, ce qu'on voyait de son front était charmant, ses cheveux fins et soyeux, ses mains avaient une grande distinction, son pied était celui d'une créole, sa taille élégante et bien prise. C'était à mourir d'envie de voir ses traits. Une seule personne assistait à sa toilette et voyait son visage, c'était une vielle camériste, fort loquace. Plusieurs fois, de jeunes, riches et beaux seigneurs avaient glissé dans les doigts osseux de la sexagénaire des pièces étincelantes, dans le but de savoir quelque chose. Séraphina était-elle laide ou jolie ? Ses yeux étaient-ils bleus ou noirs ? Son teint pâle ou rosé ? Pourquoi sa tristesse profonde ? Questions inutiles, les galants en étaient pour leurs frais de séduction. Séraphina ne fuyait pourtant pas le monde. Elle y brillait par son esprit, par sa grâce; elle prenait toujours la défense du faible et des absents, elle venait sans cesse au secours du pauvre, et donnait l'exemple des plus douces vertus. D'où venait Séraphina ? Nul ne le savait. On se rappelait seulement que bien des années auparavant sa mère l'avait amenée d'un pays étranger, et qu'elles avaient vécu longtemps dans une austère


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