Contribution de la Guadeloupe à la Pensée Française

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CONTRIBUTION

DE LA GUADELOUPE

qu'il avait naguère attrapé, un pauvre petit anoli, tout raide, sur le dos, la queue pendante, avec une écume de sang autour de la bouche. Je n'avais éprouvé jusqu'à ce jour aucune émotion à étrangler des anolis ; mais le meurtre de celui-ci, détérioré, tué d'une tape, sans nœud coulant, m'impressionna vivement. Je fondis en larmes. — Allons, monsieur... bonsoir, dis-je alors entre deux sanglots. Il faut que je rentre à la maison. — Comment, tu veux déjà filer ?... tu pleures ? — Oui, monsieur. A cette minute partit de la maison des fous une clameur, une longue et terrible clameur qui se répandit par toute l'atmosphère ensoleillée. Souvent, j'avais entendu cette clameur, mais je ne l'avais point encore sentie aussi profondément. Elle m'arrêta net. — Sont-ils assez agaçants! déclara le maître d'école. En voilà qu'on aurait du plaisir à noyer les uns après les autres ! — Oui, répondis-je. pour être de son avis. Et je répétai : — Bonsoir, monsieur. — Ne t'en va pas. La clameur durant toujours, mon homme beugla : — Mais taisez-vous donc !... Vous me cassez les oreilles. Et, d'un autre côté, comme il me voyait prêt à m'éloigner, d'un saut il me barra le chemin. — Voyons, ne t'en va pas. Je te défends de t'en aller... Je te défends de pleurer... Il paraissait irrité ; j'essuyai mes larmes et restai cloué sur place. — Pourquoi désirez-vous que je reste ? demandai-je cependant, malgré ma frayeur. Il chercha sa réponse; puis, l'œil jovial, s'affublant d'une mine engageante, il répondit :


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