Contribution de la Guadeloupe à la Pensée Française

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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

échappait, faire dans le présent quelques économies, destinées à sa fille en cas de malheur. Aussi quitta-t-il l'intérieur de Paris où il demeurait, pendant que Jeanne faisait son éducation, pour se fixer à l'extrémité des Batignolles, dans cette petite maisonnette du boulevard Bessières. Il l'avait choisie à cause de son loyer peu élevé, et du jardin où la jeune fille pouvait s'ébattre, tandis que lui-même prenait un exercice nécessaire à sa santé. Ils vivaient seuls, tous les deux, sans domestiques, se contentant pour les gros travaux de la maison, d'une femme de ménage qui venait le matin et repartait le soir. Elle n'avait que dix-sept ans ; mais, semblable aux plantes de son pays qu'un rayon de soleil fait éclore et fleurir en un jour, elle s'épanouissait déjà comme une femme de vingt ans, charmante, superbe. Elle était grande, élancée, et cependant ses épaules avaient des rondeurs exquises, son buste virginal de l'ampleur, ses hanches du développement, son pied une finesse incomparable. Et quelle jolie tête sur ce beau corps ! De grands yeux veloutés d'un noir bleu, des cheveux châtain foncé, soyeux, naturellement ondulés; le nez d'un dessin parfait, aux narines ouvertes, toujours vibrantes ; une petite bouche avec des lèvres rouges un peu épaisses, et des dents de créoles, fines, pressées, nacrées. Rien à reprendre au point de vue de la ligne et cependant ce n'était pas la beauté du type, la pureté du profil qu'on admirait le plus ; on était surtout séduit par l'expression de ce joli visage, sa distinction, son rayonnement, le charme souverain qui s'en dégageait. Devant une table en noyer, sans nappe, mais bien luisante, tout en déjeunant, Jeanne disait à son père : — Tu sors aujourd'hui ? — Oh ! oui, répondit le capitaine, et toute la journée encore.


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