Contribution de la Guadeloupe à la Pensée Française

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CONTRIBUTION DE LA GUADELOUPE

dans un petit coupé capitonné, en face d'une trèsaimable, très-belle et très-spirituelle femme, qui, en outre des séductions de sa beauté et de son esprit, était entourée de ces mille parfums dont est composée l'atmosphère des princesses de la rampe et de la mode. Or, je n'étais pas aussi Robert d'Arbrissel que Robert d'Arbrissel, moi ! — Avez-vous le temps de monter, Privat ? me demanda Esther. Je serais curieuse de connaître le dernier mot de votre histoire, bien que je le devine un peu. — Vous ne le devinez pas du tout, et j'ai tout le temps de vous l'apprendre, me hâtai-je de répondre. Elle descendit de sa voiture et la renvoya. Les actrices vivent un peu comme les gens de lettres, et, comme eux, rentrant tard, elles aiment à souper. Esther avait une soubrette de Marivaux, presque aussi jolie que sa maîtresse, et qui avait l'air de connaître sur le bout du doigt les sept péchés capitaux : elle servit, dans un petit salon bleu éclairé faiblement, un souper appétissant au possible, — puis elle nous laissa seuls. — Et cette histoire, Privat ? me demanda Esther, s'apercevant que je n'y songeais plus et devinant bien, à mes regards, que je songeais à autre chose. V Ce petit salon bleu était délicieux. Vous savez à quoi l'on peut songer dans un petit salon bleu, quand on est jeune, qu'on n'est point Robert d'Arbrissel, et qu'on a en face de soi, vous regardant de ses beaux grands yeux rieurs, une très-aimable femme qui a joué avec esprit le rôle de la fiancée du roi de Garbe. Eh bien ! je songeais à cela, et, pour y songer avec plus de succès, j'avais rapproché mon fauteuil de celui de ma voisine, qui, naturellement, ne s'était pas reculée. La lampe qui nous éclairait ne jeta plus bientôt que des lueurs mystérieuses et charmantes. Esther ne me


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