Comment on traite nos colonies : Candidature officielle et mœurs électorales

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les intérêts de la communauté que représente le conseil général, soit la défense de la colonie vis-à-vis de la métropole», il n'y avait partout quedes fonctionnaires ou des délégués nommés directement ou indirectement par l'Administration ; c'est-à-dire que les colonies « n'étaient représentées à aucun degré, ni dans leurs intérêts matériels, ni dans leurs intérêts moraux, ni dans leurs intérêts politiques ». Autant dire que le titre de citoyens français n'appartenait pas aux habitants des vieilles colonies ; que l'Empire leur avait arraché ce titre que la République de 1848 leur avait solennellement conféré. « Ce n'est pas seulement un droit pour nous, affirmait l'illustre orateur, de faire retentir leurs plaintes dans cette Chambre, c'est un devoir ; et un devoir d'autant plus impérieux qu'ils sont privés de représentants et qu'ils n'ont pour faire entendre leurs griefs que la voix de députés parfaitement étrangers à leurs intérêts, à leurs affaires et qui n'y apportent quelque passion que par la passion générale du bien public. » Peu de temps auparavant, le 26 janvier 1869, dans la discussion d'une interpellation sur de graves incidents survenus à la Réunion, à la fin de l'année 1868, incidents au cours desquels huit personnes avaient été tuées par la force publique et de nombreuses autres blessées, Jules Simon avait pu affirmer que derrière l'agitation si tragiquement noyée dans le sang, il y avait l'éternelle pétition des colonies contre les sénatus-consultes de 1854 et de 1866. « Nous avons des colonies, s'écriait-il, que nous soumettons de la façon la plus absolue au pouvoir du gouverneur. « Le gouverneur peut tout dans les colonies ; il est le seul maître ; il n'a à côté de lui que des autorités appartenant à des corps constitués, des autorités portant les noms de nos autorités électives, mais qui sont, en réalité, des autorités à sa propre nomination. « Il est assisté d'un conseil privé dont les membres sont des chefs de service. « Si le conseil privé a des attributions du contentieux, il y ajoute deux magistrats qu'il nomme lui-même. « Pour les affaires de la colonie, pour le budget obligatoire et pour le budget facultatif, il a, à côté de lui un conseil général. Et ce conseil général, ne vous trompez pas sur ce nom de conseil général, il est composé de 12 membres qu'il a nommés et 12 membres élus par des conseillers municipaux qui sont des fonctionnaires nommés par le gouverneur. « Ainsi, le gouverneur est le seul électeur de la colonie ; oui, il est le seul électeur. Et ne croyez-vous pas que cela est plus oppressif que s'il était ouvertement investi d'une autorité sans contrôle ?... On saurait parfaitement que la colonie n'a pas de représentation ; que ses intérêts sont remis dans les mains d'un seul homme qui choisit ses conseillers et les contrôleurs qu'il trie lui-même, qu'il se donne, qu'il mène, qui dépendent absolument de son choix, et qui, par consé-


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