Comment on traite nos colonies : Candidature officielle et mœurs électorales

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— 5 — « On n'a signalé aucune rixe, aucune collision, pas une poursuite même devant le tribunal de simple police... « Savez-vous qui est-ce qui a fait la police des Assemblées électorales ? » Quelques pompiers seulement. « Parce qu'on a pensé que la garnison, composée de 1.200 hommes, se trouvant exclue du vote, d'après le droit commun, il valait mieux ne pas la placer à la porte des assemblées... « Avec quelques pompiers, je le répète, l'ordre a été maintenu... » Et dix-huit années plus tard, le 18 juin 1866, à l'occasion de la discussion du projet devenu le sénatus-consulte du 4 juillet 1866. M. Hubert Delisle, promu sénateur de l'Empire, pouvait, à la tribune du Sénat, rendre cet hommage mérité à l'admirable sagesse dont les anciens esclaves, élevés brusquement, sans aucune transition, de la condition de bêtes de somme à la dignité de citoyens français, avaient fait preuve, au lendemain même de lent émancipation. Il remarquait : « Quand l'esclavage a été aboli, que s'est-il passé? « Le lendemain, vous avez vu la population parcourir les grandes routes, palpant, en quelque sorte, cette conquête de la liberté qu'elle sentait pour la première fois. Pas un seul fait regrettable, pas une vengeance. « Voilà, messieurs, ce qui s'est passé. « Vous avez eu des élections relativement tranquilles, et on a mis un bulletin entre les mains de ces esclaves de la veille, de ces affranchis, qui pouvaient être encore tourmentés par le cauchemar de ce commandeur qui avait le fouet à la main pour les faire travailler. Aux Antilles, ils ont voté pour les hommes qui avaient agi pour leur affranchissement...» La Réunion, par suite de l'éloignement et du retard survenu dans la transmission des instructions du Gouvernement, n'eut pas le temps d'élire des représentants à l'Assemblée Nationale. Voilà comment se conduisirent les affranchis de 1848. La première manifestation de leur vie civique fut un acte spontané de reconnaissance envers ceux qui avaient agi pour leur délivrance, et plus particulièrement, envers « papa Schoelcher ». Ils comprirent, d'instinct, la grandeur et la noblesse du geste auquel la République libératrice les conviait, en les appelant à voter, c'est-à-dire à exprimer leur opinion, à manifester leur volonté, eux à qui, jusqu'alors, il était interdit de penser et, à fortiori, de vouloir ! Vingt mille citoyens, sur vingt-cinq mille inscrits, à la Martinique seize mille, à la Guadeloupe, défilèrent devant les urnes, participèrent à des assemblées électorales dont la police était assurée par quelques pompiers, seulement », sans que l'on eût le moindre incident à relever; pas même une contravention de simple police! Aujourd'hui, pour nommer un conseiller municipal, l'électeur antillais, guyanais ou réunionnais doit être nécessairement


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