Comment on traite nos colonies : Candidature officielle et mœurs électorales

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— 139 — sous la surveillance et sous le contrôle vigilant et sévère de militaires armés en guerre ! En 1848, il suffisait de quelques pompiers sans arme. Et vingt mille nouveaux citoyens défilaient devant les urnes à la Martinique, sans que l'on eût à relever même une contravention de simple police Aujourd'hui, c'est par dizaines, que, à chaque élection, l'on ramasse les blessés et les morts dans nos vieilles colonies. Et à l'allure où vont les choses, demain, ce sera par centaines! Niez donc après cela que l'abolition de l'esclavage fût une erreur ! Niez donc que les populations coloniales soient foncièrement inaptes à s'accommoder des institutions de liberté ! Niez la perspicacité de ceux qui avaient prophétisé le danger social qu'il y aurait à mettre le bulletin de vote dans la main de gens absolument incapables d'en comprendre la signification et d'en faire un usage utile ! ! Car c'est tout cela, n'est-ce pas, que signifient les précautions extraordinaires dont on entoure depuis quelques années l'exercice du suffrage universel aux colonies ! Car, c'est depuis quelques années seulement, et subitement, que la nécessité de la participation de la force armée aux élections coloniales s'est révélée. Pendant trente-cinq ans les électeurs de feu de Mahy l'ont réélu à la Réunion, sans que l'on entendît parler d'eux ; pendant vingt-cinq, ans ceux de Gerville-Réache, ont agi, à la Guadeloupe, avec la même discrétion ; Deproge, Hurard et d'autres furent librement choisis par les citoyens de la Martinique ; Franconie resta plus de vingt-deux ans, représentant de la Guyane, sans que l'on eût à déranger un gendarme. Mais un jour vint où quelques illustres laissés-pour-compte, des collèges électoraux de la métropole, s'avisèrent d'aller « conquérir » aux colonies les mandats législatifs que leur refusait obstinément l'inintelligence des citoyens de la métropole. Ivres d'un rêve brutal, s'il n'a rien d'héroïque, ces nouveaux flibustiers s'abattent sur des colonies avec lesquelles ils n'ont aucune attache, dont ils ont ignoré l'existence jusqu'au jour où ils ont entrepris d'en devenir, « coûte que coûte », les représentants. Et en avant les grands moyens ! Il ne peut être question de gagner les sympathies et la confiance des électeurs : c'est trop long ! « Un bon Gouverneur, un procureur général à poigne, des gendarmes en nombre suffisant , voilà tout le programme électoral. C'est aussi celui de certains originaires des colonies qui, eux, non plus, n'ont aucune attache avec leur petite patrie qu'il ont quittée tout jeunes, dont ils ignorent tout des besoins réels et des véritables aspirations, à la vie publique de laquelle |ls n'ont jamais été mêlés ; qu'ils ont, en fait, oubliée à peu près


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