Comment on traite nos colonies : Candidature officielle et mœurs électorales

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— 131 — Le lendemain, 21 avril, l'adjoint Motais écrivait : Monsieur le Secrétaire général, « Monsieur, Saint-Pierre. « Vous n'avez pas répondu à ma lettre d'hier. Le désordre continue en ville. Il est absolument impossible de circuler sans risque d'être maltraité ; la voiture de M. de Kvéguen (concurrent de M. Boussenot) dans laquelle je suis descendu hier a été assaillie ce matin ; le cocher a été battu, les chevaux dételés ; l'un d'eux vient d'être seulement ramené. Quand à l'autre, on ne sait pas où il se trouve ; il en est de même de la voiture. « Nous ne pouvons pas aller des Casernes en ville et nos lettres ne parviennent même pas à destination, lorsqu'elles sont portées par un de nos courriers ; nous profitons du passage d'un gendarme pour vous faire parvenir celle-ci. « Cette situation est intolérable et je dois vous avertir, M. le Secrétaire général, que si vous n'y mettez pas ordre, vous allez au devant des responsabilités les plus graves ; car cette sorte d'état de siège qui règne sur la ville pousse à bout la population honnête. « Je vous prie de vouloir bien m'accuser réception de la

présente...

«

Signé

:

PAUL

MOTAIS.

»

Le Secrétaire accusa réception des deux lettres et ajouta : « En ce qui concerne le rétablissement de l'ordre, j'ai pris ce matin toutes les dispositions jugées utiles et les renseignements qui me sont parvenus ne me paraissent pas encore suffisamment complets. « Je vais poursuivre une enquête sur ce point et sur le point que vous m'avez signalé ce matin au sujet de la voiture appartenant à M. de Kvéguen. « Dès que possible, j'aviserai. « Signé : CANTAU » La bande Boussenot resta maîtresse de la rue. Et ce dont l'administration de la Réunion s'avisa, ce fut, non pas de disperser ces «émeutiers» véritables et de rétablir l'ordre, mais de nommer une commission spéciale pour présider aux élections du 26 avril, sous le prétexte que les adjoints refusaient... de remplir leurs fonctions. Les urnes de Saint-Pierre restèrent en des mains amies sûres. C'était le but visé ! Et les gendarmes, impuissants jusqu'alors à disperser ceux qui, depuis sept jours, tenaient la rue et y interdisaient la circulation, conduits à la bataille électorale par le vaillant capitaine Déroche, eurent tôt fait de balayer les salles de vote de Saint-Pierre et leurs abords..., afin de permettre aux bureaux convenablement composés d'assurer un triomphal succès au candidat du Gouvernement ! N'avions-nous pas raison d'affirmer que les Réunionnais n'ont rien à envier à leurs concitoyens des Antilles?


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