Comment on traite nos colonies : Candidature officielle et mœurs électorales

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sincérité de leur témoignage. Ces officiers ont dit vrai, Et la preuve décisive en est fournie par les déclarations suivantes du procureur général Doran-Forgue, ancien chef du service judiciaire à la Guadeloupe. DECLARATION DE M

DORAN-FORGUE

Le juge d'instruction ayant posé à ce haut magistrat (cote 66 du dossier) la question suivante : « D'une manière générale, est-il vrai que M. Gautret ait agi au près de la magistrature pour obtenir des complaisances ou des condamnations contraires à leur devoir de magistrat? » Le Procureur général a répondu : « D'une façon générale, puisque vous me posez cette question, je dois dire que M. le gouverneur Gautrel intervenait beaucoup plus qu'il n'aurait dû le faire dans les affaires du service de la justire. J'en pourrais rapporter de nombreux exemples... Je ne puis d'autre part affirmer que M. Gautret n'est pas intervenu en dehors de moi auprès de tel ou tel magistrat pour obtenir tel ou tel résultat conforme à ses désirs. « M. le gouverneur Gautrel faisait surveiller assez étroitement messieurs les magistrats du tribunal de la Pointe à-Pitre. Il utilisait à cet effet les services du lieutenant de gendarmerie Gardes et du comissaire de police. « Le premier de ces personnages prenait assez fréquemment ses repas dans l'hôtel où prenaient pension MM. Vigne (président du tribunal de lre instance) et Buan (substitut du procureur de la République). Il lui arrivait même de s'asseoir à leur table. M. Gautret m'a saisi notamment d'un rapport de M. le lieutenant Gardes... duquel il résulterait que ces deux magistrats se seraient laissé aller à des propos inconsidérés concernant le gouverneur.« Et, à l'appui, le témoin produit une copie du rapport du lieutenant Gardes, qui n'est, comme bien l'on pense, qu'une œuvre de basse police, dans laquelle il cite contre d'honnêtes magistrats des propos qu'il dit tenir de tiers dont il ne peut pas donner les noms, mais dont il garantit l'honorabilité !... Jolie caution; n'est-ce pas, que la seule parole de ce délateur? Le gouverneur Boulloche n'avait-il pas raison de proclamer qu'il n'y a de sécurité pour personne aux colonies » ? Mais voici, d'ailleurs, qui, mieux que les témoignages qui viennent d'être produits, montrera comment certains gouverneurs en prennent à leur aise avec la magistrature coloniale. C'est la confirmation de ces témoignages par celui-là même contre lequel ils sont dirigés ; leur illustration éclatante. Au cours de la campagne électorale de 1910, le candidat Béville et plusieurs de ses amis, dont MM. Labique et Beaugendre,


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