Comment on traite nos colonies : Candidature officielle et mœurs électorales

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— 101 — validée par la Chambre. M. Boisneuf porta plainte au parquet de la Seine, pour fraudes électorales, contre le gouverneur Gautret. Au cours de l'instruction ouverte sur cette plainte — elle ne put être suivie jusqu'au bout, par suite du décès de l'inculpé — de nombreux témoins furent entendus, dont trois officiers français et un ancien procureur général à la Guadeloupe. De leurs dépositions, nous ne retiendrons que ce qui a trait au point particulier de l'asservissement de la magistrature coloniale et de la tâche infâme qu'on lui fait accomplir.

CE QUE TROIS OFFICIERS FRANÇAIS ONT ENTENDU M. DENIZART, lieutenant au 3e régiment d'Infanterie coloniale, entendu par le juge d'instruction, déposa ( cote 44 du dossier) : « A la date du 3 juillet (1010) à la Pointe-à-Pitre, je me rendis auprès du gouverneur pour un devoir de politesse. Dans son cabinet, se trouvait M. Dubos, Président du syndicat des usiniers de la Guadeloupe. Il est bon d'indiquer que les portes et fenêtres ne sont vitrées nulle part à la Guadeloupe. Je me promenais avec mon camarade Depont tandis que M. de Novion attendait de son côté dans une antichambre. Tous, trois nous avons entendu le propos tenu par M. Gautret qui peut être traduit en ces termes : « Que voulez-vous que je fasse de plus, M. Dubos ! J'ai mis à l' ombre tous les chefs de partis et j'ai été jusqu'à donner des ordres à la magistrature pour qu'on les condamne... » Monsieur Depont, lieutenant au 3e régiment d'Infanterie coloniale, confirma absolument la déposition du lieutenant Denizart, (cote 74 du dossier). M. le comte de Novion, officier de cavalerie en non activité, confirma non moins formellement les témoignages des lieutenants Denizart et Depont (cote 46 du dossier). Dans sa déposition (cote 44), le lieutenant Denizart a encore déclaré : « Le gouverneur Gautret a voulu m' imposer une enquête de basse police que je devais conduire conformément à ses désirs, dans un sens déterminé, entre deux particuliers. Cette mission m'a été transmise par le capitaine de gendarmerie, d'ordre du Gouverneur.Cet officier m'a fait indiquer verbalement par son subordonné, le lieutenant Newfinek, l'objet de la mission qu'il m'a lu en présence de mon camarade Depont. « J'ai refusé d'exécuter cette mission et mon refus a été approuvé par mes chefs hiérarchiques.» Voilà ce que, sous la foi du serment, trois officiers français, européens, en résidence temporaire à la Guadeloupe, absolument étrangers aux compétitions politiques, aux passions et aux querelles électorales locales, ont affirmé. Personne ne peut douter de la


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