Comment on traite nos colonies : Candidature officielle et mœurs électorales

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— 83 — enjoint formellement de ne faire aucun acte à propos des opérations électorales ainsi qu'ils ont déclaré ; mais comme il ne leur avait pas été interdit et qu'on ne pouvait pas leur interdire de voir et d'entendre, ainsi que l'a déclaré le chef de brigade Robichon, ils ont, conformément à la loi, déposé sur ce qu'ils ont vu et entendu ; « Attendu que dans l'intérêt de l'ordre social, il convient de réprimer vigoureusement toute atteinte au suffrage universel, pour que cette institution, qui est la base de notre organisation, républicaine et de progrès social, ne sombre pas dans la déconsidération publique ; qu'au surplus, il est à constater qu'en matière électorale, aux colonies surtout, l'audace des délinquants est généralement faite, en partie tout au moins, de la clémence des juges ; qu'il importe donc que les tribunaux s'appliquent à cautériser cette gangrène qu'est la fraude électorale, pour que le Gouvernement, en présence de scandales toujours renouvelés, ne se décide à proposer la suppression de certaines libertés politiques aux colonies... » (Condamne X. à six mois de prison, 500 francs d'amende, 2 ans d'interdiction des droits civiques ; Y. à un mois de prison, 500 francs d'amende (avec sursis à l'exécution de l'emprisonnement pour les deux.) Mais la haute Administration de la Guyane veillait. Si elle avait mis toute la force armée de la colonie à la disposition du maire de Cayenne, avec injonction formelle aux militaires « de ne faire aucun acte à propos des opérations électorales », ce n'était pas pour que des gendarmes, évidemment mal stylés allassent ultérieurement déposer en justice, sous la foi du serment, sur les violations de la loi dont ils avaient pu être témoins. De quoi ces militaires se mêlaient-ils ? Ne comprennent-ils pas que leur seul rôle consiste à être les auxiliaires muets et conscients de la fraude électorale officiellement organisée ? L'on chargea la Cour d'Appel de le leur faire entendre solennellement, en obtenant d'elle (après en avoir modifié la composition de façon appropriée aux nécessités du moment) qu'elle infirmât le remarquable jugement susvisé. Donc les gendarmes ont menti ou leurs propos ne valent pas que l'on s'y arrête... lorsqu'ils ne sont pas favorables à des étrangleurs du suffrage universel opérant d'accord avec la haute Administration ! Ce n'est pas tout. Quarante-huit heures après le prononcé du jugement, le président du Tribunal de Cayenne fut déplacé par le gouverneur et envoyé au Maroni... en attendant d'être déféré au conseil de discipline... pour avoir entravé les droits de la défense pendant les débats ! Son successeur sera mieux... avisé ! Et tout cela se fait... « au nom du peuple français ! »


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