Vieux papiers du temps des isles

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UN COLONEL A LA COUR DU GRAND MOGOL

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péens s'opposent autant qu'ils peuvent dans les lieux où ils sont les maîtres à ces barbares tragédies ; j'en excepte les Anglais du Bengale qui laissent à cet égard une assez grande liberté aux veuves surtout quand elles sont vieilles ou laides. Les musulmans attaquent aussi en mille manières cette horrible coutume. I1 faut une permission du Nabab ou de tout autre chef pour qu'une femme se brûle sur le corps de son mary. Je reviens à celle que j'ai vu brûler à Feizabad. « On vint nous avertir le 31 décembre qu'un écrivain cachemirien, nommé Mandaram Gentil 1, qui était au service du Nabab, venait de mourir et que sa femme avait déclaré qu'elle voulait le suivre conformément à leur rite religieux. On nous dit en même temps qu'on avait obtenu le Paravana du Nabab et que la cérémonie se ferait à midy à deux casses de la ville. Nous sûmes que Sudjah Dowlah avait envoyé des Choupdars à cette femme pour la détourner de sa résolution et l'engager à vivre et à prendre soin des trois enfants qu'elle laissait dont le dernier était encore à la mamelle. Il lui fit offrir de l'argent et lui promit de conserver les appointements de son mary si elle cédait à ses représentations. « Cette femme, après avoir remercié le Nabab de ses bontés, répondit que ce n'était pas l'embarras de sa subsistance qui la déterminait à mourir, qu'elle voulait rejoindre son mary et que ses enfants restant sous la tutelle de leur oncle seraient élevés avec soin sans que rien ne manque à leur éducation. Les envoyés du Nabab lui parlèrent en particulier. Elle fit de même sa réponse dont elle rendit compte aux personnes de sa famille en présence de ces envoyés. Cette femme avait à peu près trente-quatre ans. 1. Gentil signifie ici brahamique par opposition aux musulmans.


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