Vieux papiers du temps des isles

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VIEUX PAPIERS DU TEMPS DES ISLES

car sans lui, un nuage sanglant se serait peut-être élevé entre le geste de La Fayette et ceux des milliers de jeunes gens vêtus de kakhi s'embarquant « tout le long, le long du Missouri » pour la vieille France, en danger. Ce nuage. Bonaparte l'a crevé en vendant pour quatre-vingts millions de francs la Louisiane aux concitoyens du général Washington. On sait qu'à la suite de nos grands revers coloniaux, la France avait été obligée de livrer à l'Angleterre de par les clauses du traité de Paris, la partie orientale de la Louisiane et Louis XV, faisant jouer l'article 18 du Pacte de Famille de 1761, abandonnait le reste à l'Espagne « en compensation des pertes que la Maison d'Espagne avait éprouvées dans son alliance avec celle de France ». La nouvelle de cet abandon tua de chagrin le gouverneur d'alors. M. d'Abadie. et la colonie tenta d'empêcher les trois mille soldats hidalgos d'occuper la Nouvelle-Orléans. Une fois de plus, la force dompta le courage ; six « colons » furent décapités par ordre du gouverneur espagnol ; les noms de ces six braves sont les suivants : MM. de la Fresnière, procureur général ; de Noiau, Caresse, officiers ; Villeret, Marquiz et Millet, colons. Puis des années passèrent dans l'oubli. Le vieux sang gaulois des Louisianais s'agita à nouveau lorsque les canons de la guerre d'Indépendance jetèrent leurs rauques abois par delà les monts Alleghanys. L'alliance franco-américaine fit naître de vivaces espoirs. Les nouvelles de la Révolution naissante contribuèrent, en outre, à maintenir cette agitation, de nombreux colons n'étaientils pas d'ex-camarades de Manon Lescaut et beaucoup natifs du faubourg Saint-Antoine ? La Convention, héritière fidèle des grandes traditions de la politique extérieure de l'Ancien Régime avait jeté les yeux sur la Louisiane. Elle


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