Vieux papiers du temps des isles

Page 159

LE SEIGNEUR CONSTANCE

137

Le départ no fut pas heureux, car deux fois de suite Constantin fit naufrage à l'embouchure du fleuve. « S'étant remis en mer, il en fit un troisième bien plus fâcheux sur la côte de Malabar, il y pensa périr lui-même et ne put sauver que deux mille écus de tout son bien. Accablé de tristesse, de fatigue et de sommeil, il se coucha sur le rivage. Alors, soit qu'il fut endormi ou éveillé, car il a protesté plus d'une fois qu'il ne le savait pas lui-même, il crut voir une personne pleine de majesté qui, le regardant d'un œil riant, lui dit avec beaucoup de douceur : « Retourne, retourne sur tes pas. » Ces paroles le frappèrent si vivement qu'il lui fut impossible de dormir tout le reste de la nuit et il ne songea plus qu'à trouver les moyens de revenir à Siam ». La suite du récit des aventures de Constantin Phaulkon prouvera aux lecteurs incrédules combien ils sont dans l'erreur en ne croyant pas aux songes, surtout à ceux éclos sur la côte Malabar. Donc, en se réveillant Constantin vit venir à lui « un homme tout dégoûtant d'eau avec un visage triste et abattu. C'était un ambassadeur du roi de Siam qui, en revenant de Perse, avait fait aussi naufrage sans avoir rien pu sauver que sa vie. Comme ils parlaient tous deux siamois, ils se communiquèrent bientôt leurs aventures. L'ambassadeur se fit connaître et exposa l'extrême nécessité où il était réduit. Le seigneur Constance, touché de son malheur, s'offrit de le ramener à Siam. Il acheta, des deux mille écus qui lui étaient restés de son naufrage, une petite barque, des habits pour lui et pour l'ambassadeur et des vivres pour faire le trajet. Cette conduite charma l'ambassadeur de Siam qui ne pensa depuis qu'aux moyens d'en témoigner sa reconnaissance. » Et la belle aventure rappelant un conte des Mille et une


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.