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ET LA MARTINIQUE
IV.
Du Parquet était trop avisé pour ne pas avoir pressenti combien lui serait précieux le concours d'un marin tel que Baillardel, à la fois propriétaire, armateur et capitaine de son navire. Aller fonder une colonie dans un pays où toutes les choses nécessaires à l'existence devaient être emportées, demandait une somme de prévision considérable. Colons1, vivres, meubles, vêtements, armes et munitions, ustensiles de culture, etc., il fallait songer à tout. L'expérience de son oncle et celle d'autres pionniers avaient appris à du Parquet les souffrances auxquelles on s'expose en traitant légèrement ces sortes d'expéditions. Or le capitaine du SaintJacques, à qui la navigation de Dieppe aux îles d'Amérique était familière, paraissait le mieux en position de répondre, sous tous les rapports, à ce qu'exigeaient les circonstances. En fait, le premier gouverneur de la Martinique allait inaugurer, pour cette île, une entreprise quasi-personnelle, dont le capitaine Baillardel serait le principal instrument, en ce sens que l'armement du navire devenait en pareil cas d'une importance exceptionnelle. Il ne s'agissait pas seulement de conduire à la Martinique un groupe d'engagés n'ayant que leurs bras pour moyens 1 Nous ne parlons pas des artisans qui rarement consentaient à s'expatrier. La masse des émigrants provenait des campagnes. On leur vantait les avantages de la culture ; on leur promettait des concessions de terre... C'était leur affaire ; ils partaient volontiers. Quant aux ouvriers des villes, on eut beaucoup de peine à obtenir leur concours. Du Parquet pendant longtemps n'eut qu'un seul charpentier dans son île et l'endroit où ce serviteur indispensable s'établit s'appela « l'Anse du Charpentier ».
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