Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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FRANÇOIS DE COLLART

D'Esnambuc n'avait pas eu le choix pour aller prendre possession de la Martinique. Un seul navire était alors présent à Saint-Christophe : celui du capitaine Louis Drouait, qui, selon quelque apparence, était de Nantes1. Drouait, de retour à Saint-Christophe après deux mois de séjour à la Martinique, partit pour France le il novembre 1635, emportant une lettre (dont nous avons parlé) que d'Esnambuc adressait à Richelieu. D'Esnambuc n'avait donc eu,pour opérer la prise de possession de la Dominique, que le navire du capitaine Pierre Baillardel à qui la Compagnie des îles d'Amérique avait confié le soin de passer aux Antilles un certain nombre de colons. Cette prise de possession eut lieu, comme on sait déjà, le 17 novembre 1635, ainsi que le prouve l'acte authentique rédigé par d'Esnambuc à cette même date. Or, nous savons, à n'en pouvoir douter, — et d'une manière assez curieuse, — que Baillardel était à Dieppe, lieu de son domicile, le premier ou vers le premier juillet 16352. Les deux frères Dyel étant arri-

1 Diverses copies du certificat de prise de possession (l'original n'existant plus) appellent ce capitaine Drouait, Drouault, Drouain. Ce pourrait être aussi Drouart. Voir au besoin pour ces noms les intéressantes « Notes généalogiques » publiées à Nantes, en 1876, par M. de la Nicollière-Teijeiro, sur CASSARD et la nombreuse famille de ce grand marin. Autre détail que l'on nous pardonnera de ne pas négliger. Dès l'origine de la colonie, la rivière à l'embouchure de laquelle d'Esnambuc aborda lors de son unique voyage à la Martinique, s'est appelée La Roxelane. D'où venait là ce nom porté par l'épouse fameuse du grand Soliman, mère de Bajazet (originaire de Galicie, morte en 1557) ? D'après l'usage aux colonies, les rivières ou les anses prenaient le nom du premier navire dont le séjour prolongé sur leurs bords se rattachait à quelque fait marquant. Or quel fait plus mémorable pour la colonie que la descente de d'Esnambuc à la Martinique ? On est donc autorisé à croire que le navire du capitaine Drouait, qui demeura deux mois à Saint-Pierre, avait nom : La Roxelane. Quand les habitants ne surent plus la provenance de ce nom (turc ou russe), ils le changèrent en celui de Rivière Saint-Pierre, se privant ainsi d'un souvenir local historique qui n'était pas sans prix. On a tort de changer les anciens noms locaux, lorsqu'un motif de convenance n'en fait pas une obligation absolue. 2 Neuf mois après le 1er juillet 1635 — c'est à dire le 1er avril 1665 — Madame de Baillardel met au jour à Dieppe, un fils qui fut baptisé à la paroisse Saint-Jacques et vécut de longues années.


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