Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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FRANÇOIS DE COLLART

que l'on pût se prêter un mutuel appui dans la pratique du commerce étranger. Rien n'y fit. La conduite des Collart, des du Buq et des Baillardel fut inébranlable. Ce n'était pas l'idée seule du devoir qui dominait à cet égard dans leur esprit. Gentilshommes ayant prêté serment de fidélité au Roi, ils se tenaient d'autant plus fermes sur ce point que les autres avaient une tendance plus marquée à s'émanciper. Ils se contentaient de souhaiter que le progrès amenât légalement la liberté du commerce, dont leurs rivaux jouissaient par avance en fraude1. Les La Touche, également de la noblesse, tenaient bien à leur foi politique. Mais ils avaient gagné, à de fréquentes relations commerciales avec les Anglais et les Hollandais, une facilité de principes qui les fit céder à la pression des circonstances. Ce fut, au grand dommage de l'ordre, qu'une certaine classe de citoyens, très populaire à la Martinique, concourut à renverser sens dessus dessous. Le peuple commanda ; les chefs durent obéir. Ceci nous oblige à dire un mot de la flibuste. Pour qui connaît l'histoire des îles d'Amérique, l'exercice du commerce étranger avait des liens de parenté fort étroits avec l'ancienne et glorieuse flibuste. A cette sorte de francmaçonnerie coloniale nous avions dû, comme on sait, un peu Saint-Christophe et beaucoup Saint-Domingue. On a vu avec quel succès Cassard employa, dans sa campagne de 1713, des volontaires flibustiers joints à des volontaires miliciens. La différence entre les uns et les autres consistait en ce que le mobile des premiers était mercenaire ; celui des seconds, chevaleresque. Les miliciens se battaient bravement par amour de la gloire ; les flibustiers, avec autant d'ardeur, par amour de l'argent. Ils avaient, dans les faits de guerre, la passion du pillage2. 1

L'avenir réalisa leurs vœux, et ce fut un du Buq, sous le ministère de M. de Choiseul, qui fit établir la liberté du commerce colonial, à certaines conditions. La Métropole, au lieu d'y perdre, y gagna beaucoup. 2 Leur nom corrompu de flibustiers (friboutiers vient de deux mots anglais : free booters, francs pillards.


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