Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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FRANÇOIS DE COLLART

« ce cruel malheur », dit-il, et connaître l'opinion de chacun sur ce qu'il convenait de résoudre en la conjoncture. L'impression avait été des plus fâcheuses. Tant de vivres, de munitions et d'armes de toute sorte étaient disparus, que l'on se croyait à la veille de manquer du nécessaire. La très grande majorité du conseil (9 voix contre 4)1 opina pour abandonner l'expédition.

Curaçao, que

l'on

ne pouvait

prendre par surprise, était, selon toute apparence, très bien défendue. On craignait que le commandant de l'escadre, jusque-là victorieux, ne ternît sa gloire par un insuccès. Cassard écouta les avis contraires au projet d'attaque ; aucun ne le persuada. Au lieu de discuter, il prononça quelquesunes de ces paroles dont l'effet sur de braves cœurs n'est pas douteux: « Je vous connais, dit-il en substance, vous êtes des intrépides. Avec vous je n'ai rien à craindre et j'ai tout à espérer. Allons, messieurs, appareillons pour Corossol. » Ou cria: vive Cassard ! et l'on parti rassuré. L'escadre alla mouiller dans la baie de Sainte-Croix, comme la plus sûre. Au milieu de cette manœuvre, que le gros temps rendait fort difficile, survint un nouvel incident, déplorable encore pour l'expédition. En arrière de l'escadre, le vaisseau le Rubis de 56 canons, commandant de Beaudinard, fut emporté vers l'ouest par les courants et ne put venir au mouillage2... On le retrouva plus tard à Saint-Domingue3. 1 Collart fut l'un des quatre qui tinrent bon. Voici les termes de son avis : « M. Collart a 423 hommes de débarquement, tant habitans que flibustiers. L'on pourra débarquer environ 500 hommes à la fois dans les chaloupes et canots. Suivant tout ce qui est dit cy-devant, mon opinion est de faire la descente. Signé : Collart. » 2 Cassard, ne voyant plus le Rubis, avait envoyé deux bateaux flibustiers à sa recherche pour le piloter. Les deux bateaux disparurent aussi. L'un d'eux reparut douze jours après. Il portait cinquante Martiniquais, dont Cassard, comme on le verra, sut habilement exploiter le retour. 3 M. Le Vasseur, commissaire de l'escadre, embarqué sur le Rubis, profita de la présence de plusieurs officiers de vaisseau et autres, témoins de la perte du Neptune, pour ordonner une information sur cet événement. Le procès-verbal est daté, à Léogane (St-Domingue), du 24 mars 1713.


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