Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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FRANÇOIS DE COLLART

d'Esnambuc, à la demande de Levasseur, fit transporter l'ancien capitaine avec son équipage à l'île de la Tortue. On sait que cette petite île (qui a tiré son nom de sa forme) devint, après bien des vicissitudes, le berceau de la grande colonie française de Saint-Domingue, dite, un siècle plus tard, la Reine des Antilles. C'est ainsi

que s'enchaînent

certains

événements, les moins considérables d'abord en apparence1.

III

A peine d'Esnambuc et du Roissey s'étaient-ils installés, le premier à la Capesterre, le second à la Basse-Terre2, dans les deux territoires cédés par Levasseur, que les Caraïbes se soulevèrent. Il fallut se battre. Quatre mois et plus de l'année 1627 furent employés, en diverses fois, à des luttes sanglantes. L'une d'elles, où périt un millier de sauvages, coûta la vie à cent Européens. Malgré des succès répétés, au compte 1 Levasseur ne réussit pas tout d'abord à se maintenir à la Tortue. Plus d'une fois il revint à Saint-Christophe et plus d'une fois il retourna dans son repaire. Du reste, alternativement et simultanément fréquentée par les Français et les Anglais — que les Espagnols chassèrent plusieurs fois — la Tortue ne fut sérieusement occupée qu'à partir de 1640, sous le commandement du même Levasseur, commissionné par la Compagnie des îles d'Amérique. Envoyé de Saint-Christophe avec un groupe de huguenots français (qui, selon toute apparence, ne pouvait être que son ancien équipage), Levasseur (huguenot lui-même) gouverna la Tortue pendant douze ans. Aussi bien par la flibuste que par la culture, il y gagna une grande fortune. Il y construisit un for t qui semblait le mettre à couvert de tout danger. Mais, grisé par ses richesses, enivré d'orgueil, ayant tyrannisé les habitants, dont le nombre s'était accru, Levasseur périt assassiné par deux de ses familiers. Il était brave, opiniâtre, doué d'un esprit plein de ressources. Son principal mérite a été d'avoir su entretenir sur la côte de Saint-Domingue, si proche de la Tortue, une troupe héroïque de flibustiers, la plupart français, qui nous facilita la conquête de la partie nord de la grande île, que les Espagnols finirent par nous abandonner à la fin du XVIIe siècle. 2 Les colons des Antilles ont appelé, dès le principe, Capesterre la partie de chacune des îles de l'archipel qui se trouve à l'Orient « d'où tire le vent» et Basse-Terre, la partie qui se trouve à l'Occident, au-dessous du vent.


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