Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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ET LA

MARTINIQUE

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avait fait débarquer du canon. Les moyens de défense du fort étaient nuls maintenant. Pourquoi se le dissimuler? Cela et autres réflexions désolantes.. Ceux qui parlaient ainsi ignoraient (comme tout le monde dans le fort) que le comte de Stirum — futur gouverneur de la Martinique ! — avait été frappé mortellement; que le comte de Horn, son second, avait eu les deux bras fracassés par un boulet, et le fils de Ruyter l'épaule traversée par une balle. Autrement, au lieu de maugréer, ils auraient compris que les Hollandais, découragés, étaient plus près de lever le siège que de poursuivre une entreprise déjà trois fois malheureuse... Cependant les imaginations se montèrent. Les murmures tournèrent en clameurs. M. de Sainte-Marthe sentit qu'il n'était plus maître de ses hommes... Du côté des Hollandais, même déchaînement des esprits... Il y avait dans leur camp un trouble étrange. Pour eux, les clameurs parties du fort annonçaient une sortie. Afin de se garantir d'une attaque nocturne par une sorte d'épaulement, ils roulaient sur le rivage les fûts de vin et d'eau-de-vie dont ils avaient trouvé, comme nous l'avons dit, des magasins remplis. Pour les assiégés, c'étaient des canons qu'on approchait des palissades. Des soldats criaient et chantaient; d'autres se disputaient comme pour défendre leur butin... Pour les Martiniquais, on préparait un nouvel assaut. M. de Sainte-Marthe, bien qu'intrigué lui-même de tout ce tapage, affirma qu'il en est souvent ainsi en pareil cas ; mais que les appréhensions conçues dans les ténèbres ne sont pas justifiées au retour de la lumière. Peu à peu le calme se rétablissant dans le camp des Bataves, on convint que M. de Sainte-Marthe avait raison et que la nuit se passerait sans encombre. Mais alors la fatigue, la faim, la soif parlèrent plus haut que le gouverneur. Les matelots prêtés par les navires marchands voulurent rejoindre leurs capitaines. Il fallut débarrer la porte. Eux partis, on pressa de nouveau M. de Sainte-


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