Origines de la Martinique : le Colonel François de Collart et la Martinique de son temps

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FRANÇOIS DE COLLART

vires de forcer la marche, et bientôt l'on put compter quarantetrois voiles fondant sur l'île, bon vent arrière. Quarante-trois voiles1 ! Gomment résister à une telle armée dans un pauvre fort défendu par cent soixante et un hommes ? Il y avait de quoi perdre courage. L'amour du pays inspira mieux les Martiniquais. Ils eurent à la fois de l'esprit et de l'héroïsme. M. de Sainte-Marthe avait connu bien des ruses de guerre. Il en employa une très simple, qui fait encore illusion dans les spectacles militaires. L'ennemi n'est pas toujours dupe de cette ruse presque enfantine ; mais elle ne manque pas de laisser dans son esprit un doute salutaire. Pendant que plusieurs navires de la flotte, embossés devant l'anse Le Vassor, non défendue, fouillaient les fourrés de la côte voisine du fort à coups de canon, dans le but d'assurer le débarquement des troupes hollandaises, M. de Sainte-Marthe faisait défiler, disparaître et revenir, dans un étroit sentier caché par des broussailles et qui semblait se rendre au fort, les mômes cinquante hommes faisant briller leurs mousquets. Ils passaient à la vue de l'ennemi, afin de lui donner à croire qu'un nombre infini de défenseurs venait se ranger derrière les remparts. Ce long défilé, par l'effet produit, fut peut-être pour quelque chose dans le résultat final. Il eut ce premier avantage d'occuper, de distraire les habitants, qui ne devaient pas avoir le temps de songer au péril. Dès que cessa la canonnade, l'on vit les chaloupes de la flotte, chargées de monde, se détacher des vaisseaux et débarquer, en plusieurs voyages de chacune d'elles, une troupe de soldats que l'on put évaluer par la suite à quatre mille hommes environ. Au milieu de cette opération, qu'il n'était pas en mesure d'empêcher, M. de Sainte-Marthe, discontinuant le défilé trompeur, avait fait entrer tous ses hommes dans le fort et pris la précaution d'en fermer la porte, afin que personne de ceux qu'il avait réunis n'eût la pensée de se retirer. Il n'ignorait pas que M. de Baas, pour obtenir des 1 Trente-sept vaisseaux et six brûlots. C'est le chiffre donné, après le siège, par un capitaine de navire de la flotte hollandaise.


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