Grandes figures coloniales I : Victor Hughes, le conventionnel

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LES CORSAIRES DE LA GUADELOUPE

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Par les nuits calmes des tropiques, tandis que la lune coule sur la mer l'éclat argenté de ses rayons mystérieux, les habitants du Moule, port que visita souvent Fuet, disent voir sur le littoral de « la Baie », là où la mer déferle et roule le plus violemment, les unes sur les autres, ses vagues courtes et brutales, en avant des récifs, un feu étrange qui paraît et disparaît, s'accuse, grandit, pour s'évanouir dans les flots avant l'aurore. Les vieilles dévotes se signent en tremblant et le batelier attardé se hâte de rentrer ses filets, car ils ont vu le feu qui guide la grande ombre du célèbre corsaire, parmi les récifs dangereux de la côte. C'est là qu'un soir, un brick anglais qu'il poursuivait, entraîné par les courants, vint se jeter à la côte. Projeté, comme une balle, il s'écrasa sur les rochers. Pour essayer de se sauver, l'équipage était grimpé dans les mâts, tandis que les vagues montaient à l'assaut du bord. Soudain, un craquement formidable et le Brick s'engagea plus avant dans les écueils, ouvrant ses flancs d'où s'échappait un prodigieux ruissellement de pièces d'or. Un grondement emplit le ciel, s'accentua, devint étourdissant, les vagues battues par une force invisible, puissante, se dressèrent hautes comme des montagnes, puis, comme une trombe passèrent, roulant pêle-mêle or et matelots, parmi les rochers et les varechs. Et,


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