Belain d'Esnambuc et les Normands aux Antille

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— 39 — Au commencement de sa vie, leurs dévastations l'avaient réduit, lui et les siens, à la misère; en 1625, peu s'en était fallu qu'ils ne le coulassent à fond; maintenant, lorsqu'il croyait avoir trouvé la compensation de son domaine perdu dans la possession d'une de ces îles, que les Espagnols dédaignaient parce qu'elles n'avaient pas d'or, ils l'en chassaient et le frappaient au cœur par la perte de ce vaillant fils de sa sœur, qu'elle lui avait confié dans l'espoir pour lui d'une vie plus heureuse. Ces réflexions ramenaient sans doute la pensée de d'Esnambuc sur cette longue lutte de l'Espagne avec la France qui durait depuis plus d'un siècle, sur les cruautés commises par eux pour empêcher les autres peuples, et notamment les Français, de naviguer dans les mers des deux Indes. —. Identifiant alors sa cause avec celle du pays, il vit dans ce nouveau désastre que

lui faisaient essuyer les Espagnols comme un défi, et il se jura qu'il s'établirait sur leurs terres, qu'il y planterait les fleurs de lys malgré eux. Pourquoi d'ailleurs désespérer ? Lorsqu'il avait abordé pour la première fois à Saint-Christophe, avaitil autant d'hommes avec lui que Du Roissey lui en laissait? Il s'entretenait de ces pensées, lorsqu'éclatèrent sur le rivage des coups de fusil ; — c'étaient les pauvres fugitifs de SaintChristophe qui les tiraient. Ils avaient passé la nuit

dans le

plus grand accablement, s'imaginant que leurs deux chefs s'étaient embarqués dans le même vaisseau; mais, à la nouvelle que d'Esnambuc était encore là, à cette nouvelle apportée par la barque du capitaine Liot, ils avaient tiré leurs armes pour faire connaître leur joie : Nil desperandum Teuero duce, et auspice Teocro.

D'Esnambuc, touché de cette preuve d'affection et de reconnaissance, vit dès lors plus ces pauvres gens que lui-même,


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