Tricentenaire des Antilles : Guadeloupe 1635-1935

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— 46 — canon, armes, munitions, et de tout ce qui était dedans et lui pouvait servir, sans qu’il m’en ait voulu faire aucune raison, de quoy me sentant offensé et sachant que ledit sieur Levasseur était aussy piqué de son côté je lui mandai de considérer la mine de ce gouverneur et des habitants, et que s’il trouvait un jour de prendre vengeance de ce coquin et lui faire payer ma barque avec les intérêts, qu’il ne perdit pas temps. Avec mon ordre ledit sieur Levasseur se délibéra de chasser cet usurpateur ou de mourir à la peine et fit si bien sa partie qu’avec quarante-neuf hommes seulement le dernier jour d’août il fit descendre et d’abord il prit prisonnier ce beau capitaine. Quoi voyant, son troupeau d’effroi se mit en fuite. Cependant ledit sieur Levasseur se saisit d’une maison dont la situation est avantageuse où il se barricada avec telle diligence qu’en sept ou huit heures il fut en défense. Les ennemis se rallièrent en dessein de l’attaquer, vu le petit nombre de gens qu’il avait. Néanmoins le cœur leur ayant manqué, ils résolurent de sortir de l'île, et passèrent à St-Domingue. Quelques jours après, ayant fait réflexion sur leur lâcheté et l’affront qui leur demeurait d’avoir cédé à un si petit nombre d’hommes, se résolurent de repasser pour le forcer s’ils pouvaient et le tinrent assiégé six jours ; mais ils trouvèrent une si vigoureuse résistance qu’ils furent derechef contraints de se retirer avec leur courte honte et ne pouvant pis faire pour dédommagement de leur perte prirent la barque dudit Levasseur dans laquelle et celles qu’ils avaient amenées, ils embarquèrent tout leur peuple et dressèrent leur route vers l’île Ste-Catherine, de longue main habituée d’Anglais dans le golfe de Cartagène, à dix ou douze lieues de terre ferme, depuis ils n’ont paru. Le dit sieur Levasseur me représente par ses lettres le besoin qu’il a de secours et l’importance qu’il y a de conserver cette île pour le service du Roy et de Son Eminence. Le lieu est extrêmement propre à fortifier, la terre capable de porter des vivres pour faire subsister deux mille hommes. Il y a quantité de bonnes fontaines, un hâvre où l’on peut caréner huit vaisseaux de cinq cents tonneaux à la fois. Elle ne peut pas donner grand revenu, car elle est petite, mais étant habitée comme il convient, elle serait en vérité la citadelle de Saint-


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