Tricentenaire des Antilles : Guadeloupe 1635-1935

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— 42 — abandonné, après le départ de leurs navires, cent hommes en moins de quinze jours les en dénicheraient. Il s’est introduit en Angleterre une étrange invenvention pour avoir des hommes et envoyer vendre en ces îles comme nègres. Il y a des personnes apostées qui accostent les étrangers, même de leur nation, qu’ils veulent attraper, lesquels par belles paroles ils les attirent dans un cabaret où ils leur payent du vin et comme ils les ont assurés, et ces pauvres dupes ne pensant en rien moins, faisant semblant de les mener promener et faire voir les curiosités, ils les conduisent en un lieu à ce destiné où, une fois étant entré, la sortie leur est interdite ; de sorte qu’ils les gardent jusqu’à la première occasion qu’ils sont envoyés comme esclaves en engagés pas moins de six à sept ans. Voilà la manière qu’ils firent pour peupler leurs îles. Un nommé Jonas, de Saint-Malo, et Cantery, son frère, ont voulu mettre en pratique cette maxime en France ; et, de fait, ils ont effectivement surpris par leurs artifices deux cents jeunes hommes tous Français entre lesquels il y en a de bonne maison. Ils les ont entretenu l’espace de trois mois à Saint-Servan, à sept sols par jour, et les sont venus vendre aux Anglais à l’île de la Barbade et engagés pour six ou sept ans à raison de 900 livres de coton la pièce. Pour parvenir plus hautement à leur détestable dessein, ils ont frèté un navire à eux appartenant au capitaine Gibaut de Grenesay et autres marchands du même lieu. Après, le dit Cantery s’accommoda avec le dit capitaine et entra pour marchand dans le dit navire qui fut chargé de diverses marchandises et de ces pauvres brebis qu’ils ont menées à la boucherie du corps et de l'âme Dieu a déjà puni Cantery par la mort qu’il lui a envoyée en chemin s’en retournant, n’ayant pas voulu qu’il ait joui d’un si injuste gain. Ceux qui ont apporté ces nouvelles disent que c’était bien la chose la plus déplorable que l’on saurait dire de voir le désembarquement de ces pauvres enfants. Je ne pense pas qu’il y ait lieu au monde, si sauvage soit-il, où il se peut commettre une action plus barbare. Si Dieu laisse ce Jonas et ses complices quelques temps impunis ils mériteraient bien qu’ils fussent


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