Tricentenaire des Antilles : Guadeloupe 1635-1935

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— 41 — de la compagnie et les habitants en reçoivent, m’eût porté à sa condamnation si elle eût été à ma disposition. » Je dérogerais aux offres que je viens de faire si je vous celais mon sentiment. Ce fort, en l’état où il est, est une vraie mine pour ruiner les habitants de cette île ; de deux cents malades et davantage qui si retrouvent, les trois quarts sont tombés malades en garde ; outre les dangers continuels où l’on est allant et venant qui enveloppèrent, il n’y a que quelques jours, deux hommes. Car, comme vous savez, on n’y peut aller que par mer avec des canots. Si l’Espagnol avait envie d’avoir cette place, quoi de plus aisé que de venir mouiller sur le tard avec le pavillon français et, la nuit même, soixante bons hommes l’enlèveront d’abord. Pour ne rien vous celer, si j’étais à la place de nos Seigneurs je ne voudrais pas fier à cette retraite ni l’artillerie ni les munitions. Je l’aimerais bien mieux au fort de SaintPierre au milieu des habitants où ils peuvent s’y rendre de tous côtés à la moindre alarme. On pense peut-être incommoder l’Espagnol en lui ôtant le carénage ; (1) mais, outre qu’il y en a un autre dans la baie du Gallion dix fois plus grand que celui-ci et où l’on se peut glisser en lofinant, croyez-vous MM. que cette petite incommodité de nos ennemis mérite d’être achetée avec tant d’incommodité et de hazard de notre part? Enfin quel profit apporte-t-il à nos seigneurs ? Point de tout. Peut-être en apporterait-il s’il y avait là un magasin fourni de tout ce que peut avoir besoin un navire qui vient droit là pour se caréner. Ses habitants sont délibérés d’y faire garde autant qu’il plaira à nos maîtres ; mais, à vous dire franchement, si vous aviez changé cette charge et l’aviez transportée au fort Saint-Pierre, tous les habitants ne jureraient que par M. le Général. Les munitions y seraient plus en assurance et l’on courrait moins de risque allant en garde. Le Fort Royal était bien au commencement lorsque l’on avait besoin de retraite et que les habitants étaient en fort petit nombre. Mais maintenant puisque le nombre en est grand et qu’ils peuvent, à quoi bon ? Et quand bien même l’Espagnol s’en saisirait, les Français l’ayant (1) Il faut croire que les Espagnols venaient parfois y caréner leurs bateaux.


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