Tricentenaire des Antilles : Guadeloupe 1635-1935

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— 7 — d’Espagne dans ces lieux et y retourner, et que nous ne pensions pas qu’ils eussent pu s’égarer dans un si court trajet. Le premier jour que nous descendîmes à terre, nous vîmes venir sur la plage plusieurs hommes et femmes qui considéraient la flotte et admiraient une chose si extraordinaire pour eux. Les bateaux s’étant approchés de terre pour leur parler, en leur criant tayno, tayno, qui veut dire bon, ils attendirent tant qu’ils virent qu’on ne débarquait pas, persuadés qu’ils pourraient fuir lorsqu’ils voudraient. En dernière analyse, à l’exception de deux hommes que l’on parvint à saisir et à amener, nous ne pûmes, ni par la force, ni par la persuasion, en engager aucun à venir nous joindre. On se saisit de plus de vingt femmes qui étaient captives dans l’île... Quelques jeunes garçons se réunirent à nous, fuyant les habitants qui les tenaient captifs. Nous demeurâmes huit jours dans ce port, à cause de l’absence du capitaine dont j’ai déjà parlé. Nous descendîmes souvent à terre, parcourant les peuplades et visitant les habitations de la côte, où nous trouvâmes une grande quantié d’ossements humains et des crânes pendus aux maisons comme des vases pour contenir quelque chose. Ici nous aperçûmes très peu d’hommes, et cela provenait d’après ce que les femmes nous rapportèrent, de ce que dix embarcations étaient sorties pour aller saccager d’autres îles. Ces gens nous parurent cependant plus civilisés que ceux que nous avions vus jusqu’alors dans les autres îles visitées par nous, quoique tous n’eussent que des cabanes faites en paille. Mais celles de ces derniers sont beaucoup mieux construites, mieux pourvues d’aliments, et les hommes comme les femmes, paraissent avoir plus d’industrie. Ils avaient beaucoup de coton filé ou propre à l’être et plusieurs couvertures de ce même coton aussi bien tissées que celles de notre patrie. Nous demandâmes aux femmes captives dans l’île quelle espèce de gens étaient les habitants. Elles répondirent que c’étaient des Caraïbes. Aussitôt qu’elles eurent appris que nous haïssions ces gens-là parce qu’ils mangeaient la chair humaine, elles firent éclater beaucoup de joie; et aussitôt qu’on amenait quelques hommes ou quelques femmes caraïbes, elles nous


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