Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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Appréhendant une irréparable catastrophe, il s'élance à corps perdu au milieu des végétaux et les sabre furieusement. Un large périmètre est bientôt déblayé. Rien encore. Qui sait, les pluies ont sans doute empli l'embarcation, elle aura coulé et doit reposer sur le fond de la crique. Il est même préférable qu'il en soit ainsi, les alternatives de pluie et de soleil n'auront pu la gercer. Robin plonge, cherche, tâtonne, regarde, remonte et plonge de nouveau. Rien ! Quelques caïmans s'enfuient effrayés. Le noir fait retentir l'air de cris désespérés ; il s'agite sur la berge, va, vient, écarte les lianes, se glisse sous les basses branches et ne trouve aucune trace. Plus de doute, et le proscrit désolé, mais non abattu, acquiert la triste certitude que la pirogue a été volée. — Courage, ami, dit-il au vieillard... courage; nous en ferons une autre. Ce sera trois semaines de retard... Heureusement que nos provisions sont prêtes et en sûreté. Le retour fut triste. Il s'effectua rapidement. Sans savoir pourquoi, les deux hommes éprouvaient un impérieux besoin d'être chez eux. Dans quelques minutes, ils seront à l'habitation. Mais quelle nouvelle et terrible surprise leur ménage la fatalité? Quelle irréparable catastrophe va fondre sur eux ? Une âcre fumée flotte lourdement sur l'abattis, une insupportable odeur de roussi les prend à la gorge... Robin, d'un bond, se précipite vers la case, enfouie sous les bananiers. Elle n'existe plus!... Un monceau de cendres encore fumantes en marque seul la place. Les instruments, les outils, les provisions patiemment emmagasinées, tout a disparu... L'incendie a tout consumé. Robin avait dit quelques heures auparavant, lorsqu'il constata la disparition du canot : — Heureusement que nos provisions sont prêtes et en sûreté ! Quel ironique et cruel démenti lui donnait tout à coup la fatalité ! Jamais il n'avait été si rapproché du but, jamais, depuis le jour de son évasion, il n'avait touché de si près le moment de la liberté sans entraves... Et maintenant tout était perdu, disparu, anéanti! Il avait suffi à une étincelle envolée sans doute du foyer mal éteint pour dévorer en quelques moments le fruit de tant de peines. Non seulement il ne fallait pas penser à quitter de longtemps la colonie, mais mais encore le premier résultat de cette catastrophe était à courte échéance, l'évocation du spectre de la famine.


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