Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

Page 88

LES

84

R O B I N S O N S D E LA GUYANE

Qui sait ce que pouvait être devenu le chercheur de bois, au milieu de ces solitudes sans fin, peuplées de fauves, hérissées d'obstacles, parsemées d'invisibles abîmes, hantées par les maladies. — Allons, disait-il en poussant un profond soupir, c'en est fait ! Nous partirons demain. — Non, compé, répliquait invariablement le noir, ou qu'a pas gain patience... Tendez pitit morceau... Li pas gain oun sô, temps allé vini. (Vous n'avez pas de patience, attendez un peu. Il n'a pas eu seulement le temps d'aller et de revenir.) Le lendemain arrivait sans rien changer à la situation. On avait essayé la pirogue. Sa stabilité, en dépit de son faible tirant d'eau, était parfaite. Elle évoluait admirablement sous l'impulsion de Robin, qui avait rapidement acquis le tour de main particulier nécessité par la difficile manoeuvre de la pagaye. Casimir se tenait à l'arrière. Il barrait et pagayait. Ce poste demande une moindre dépense de force et exige une grande habileté. En effet, les canots indigènes, de simples coques, sans quilles, rondes en dessous, chavirent avec une extrême facilité, et obéissent à la moindre pression. Disons tout d'abord que la pagaye est moins rapide que la rame mais que l'emploi de cette dernière est impossible dans les criques, eu égard a leur peu de largeur. Comment, en effet, « nager » avec des avirons d'au moins deux mètres, ce qui donne un développement de près de six mètres, dans les cours d'eau souvent larges de quatre ou cinq, et dont les berges disparaissent sous un inextricable enchevêtrement de lianes et de plantes aquatiques 1 Avec la pagaye, au contraire, on peut circuler à l'aise dans une crique de moins de deux mètres. L'homme prend son point d'appui sur les bras, et non pas sur le bord de l'embarcation. Il saisit à cet effet, le manche de son instrument des deux mains, la gauche en haut quand il nage à tribord, la droite en haut quand il nage à bâbord, en laissant entre ses poings un espace d'environ cinquante centimètres. Il enfonce alors verticalement dans l'eau, le long de la coque et en évitant de la toucher, la pagaye jusqu'à ce que la palette disparaisse; il appuie la main placée en haut en opérant une poussée sur le sommet du manche, pendant que la main placée en bas, au ras de la palette, opère un mouvement de traction et sert de point d'appui. C'est un simple levier. Le canot, sollicité en avant, glisse sur l'eau ; et avance assez rapidement. Les pagayeurs opèrent tous la même manœuvre, y compris le barreur, qui doit de


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.