Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE me

— Du reste, continua M

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Robin d'une voix étouffée, je vais lui écrire,

ou plutôt nous allons lui écrire sa troisième lettre du jour de l'an... « N'est-ce pas, mes enfants ? — Oh! oui, maman, dirent les aînés, pendant que le petit Charles, accroupi gravement dans un coin, s'escrimait sur un carré de papier qu'il lendit d'un air satisfait en disant : — Tiens, ma lettre... pour papa! La femme du proscrit, sachant en quelles mains devait passer sa lettre avant de parvenir à son mari, sachant aussi quelles mutilations on faisait subir à celles qui étaient spécialement destinées aux condamnés politiques, écrivit brièvement, de façon à tranquilliser Robin sur l'état de la famille, et en évitant rigoureusement tout commentaire de nature à soulever les rigueurs de la chiourme. Ah! qu'il dut lui en coûter à cette noble mère, à cette vaillante épouse, d'atténuer les expressions de tendresse qui se pressaient sous sa plume ! Mais elle avait la pudeur de son affection et de sa douleur. « Mon cher Charles — écrivit-elle,— « C'est aujourd'hui le premier janvier. L'année qui vient de finir a été bien « triste pour nous, terrible pour toi. Celle qui commence apportera-t-elle un « allègement à tes souffrances, une consolation à nos peines ? Nous l'espérons « comme toi, cher et. noble martyr, et cette espérance fait notre force. « Je suis vaillante, va! Et nos braves enfants, de petits hommes, tes dignes « fils. Henri grandit. Il étudie. Il est sérieux déjà. C'est tout toi. Edmond et « Eugène deviennent de grands garçons. Ils sont plus rieurs, un peu étourdis, « comme moi

avant notre malheur. Quant à notre Charles, impossible de

« rêver pareil amour d'enfant. Un adorable bébé rose, joufflu, joli et intelli« gent!... Croirais-tu que tout à l'heure, quand il a entendu dire que je t'écri« vais, il m'a tendu un petit papier tout barbouillé qu'il a bien précieusement « plié en disant : « Tiens, ma lettre pour papa ! » « Je travaille. Et je réussis toujours à subvenir à nos besoins. Tranquillise« loi de ce côté, mon bon Charles, et pense bien que si notre vie est affreuse « s a n s toi, les exigences matérielles en sont à peu près remplies. Tes amis « ont continué les démarches entreprises à ton intention. Aboutiront-elles ? On « exige comme condition essentielle que tu signes un recours en grâce... « A ce prix peut-être obtiendrais-tu ta liberté? Sinon, on nous affirme que tu « pourrais devenir concessionnaire d'un terrain en Guyane. J'ignore en quoi


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