Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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LES R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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Et le bruit sourd d'un coup de bâton résonna sur les épaules du pauvre diable, qui plia et poussa un hurlement de douleur. — Là !... Je savais bien que la voix lui reviendrait... Le voilà qui chante maintenant comme un singe rouge. — Romulus !... — Présent !... cria d'une voix de stentor un nègre d'une taille colossale en montrant une double rangée de dents dont un crocodile eût été jaloux. — Robin !... Pas de réponse. — Robin !..., répéta celui qui faisait l'appel. — Mais réponds donc !... canaille, hurla le porteur du bâton. Rien. Un vague murmure circula sur les quatre rangs. — Silence !... tas de chiens... Le premier qui abandonne sa place ou qui dit un mot, je lui brûle la g

, termina-t-il en armant son pistolet.

Il y eut quelques secondes d'accalmie pendant lesquelles le tonnerre se tut. — Aux armes !... Aux armes !... cria-t-on dans le lointain. Puis un coup de feu... — Mille millions de tonnerre !... nous sommes dans de jolis draps. Voilà bien sûr Robin évadé et c'est un politique ! Que je crève à l'instant, si j e ne tire pas du coup mes trois mois de clou. Le « déporté » Robin fut porté manquant, et l'appel se termina sans autre incident. Nous disons déporté et non transporté ; la première de ces deux appellations étant réservée aux hommes accusés de délit politique, la seconde

servant à

désigner les criminels de droit commun. C'est, en somme, l'unique et platonique différence établie entre eux par ceux qui les ont expédiés dans cet enfer et ceux qui les gardent. Travaux identiques, nourriture, vêtements et régime analogues. Les déportés et les transportés, confondus dans une horrible promiscuité, reçoivent avec une égale surabondance jusqu'aux coups de trique du garde-chiourme Benoît, lequel n'a — on a pu le constater — de Benoît que le nom. Nous sommes, avons-nous dit, en Guyane française, sur la rive droite du Maroni qui sépare notre colonie de la Guyane hollandaise. La colonie pénitentiaire où se passe présentement — février 185., — le prologue du drame auquel nous allons assister, se nomme Saint-Laurent. Elle est de fondation toute récente. C'est une succursale de celle de Cayenne. Les forçats, encore peu nombreux, ne sont guère que cinq cents. Le lieu est mal-


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