Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

que de Sparwine à Saint-Laurent, j'entre à l'hôpital, et je me débrouille pour savoir le fin mot de l'affaire. « Quand je suis au courant de tout, j e guéris comme par enchantement, je reviens au chantier, j'accours ici et je vous conte la chose. « Gela vous va-t-il?, C'est que, voyez-vous, j ' a i contracté une rude dette vis-àvis de vous et j e serais bien aise de vous rendre service. » Robin se taisait. Un terrible combat se livrait en lui. Il ne pouvait vaincre la répugnance qu'il éprouvait à employer un tel messager pour une chose aussi sacrée. Le forçat le regardait d'un air suppliant. — Je vous en prie. Laissez-moi faire une bonne action. Au nom de ma pauvre mère, la bonne et sainte femme qui me pardonnera peut-être... Au nom de vos petits enfants... sans père... Là-bas, dans une grande ville... — Partez ! Oh 1 oui, partez. — Merci, monsieur, merci... « Un mot encore : j ' a i là un petit carnet, sur lequel je marque ma route et j'inscris mes arbres. Il m'appartient... loyalement. Je l'ai payé. Il y a encore quelques pages blanches. Si j'osais, j e vous prierais d'y écrire quelques mots pour envoyer en France. « Un navire hollandais chargé de bois se trouve en face l'habitation Kœppler. Il part incessamment en Europe. Je me charge de faire parvenir votre billet à bord. Il y aura un bon cœur qui ne refusera pas de l'envoyer à votre famille, surtout quand on saura que vous êtes un politique. « Vous acceptez, n'est-ce pas ? — Oui, donnez, murmura Robin. Et, séance tenante, il couvrit d'une écriture fine et serrée deux feuillets détachés, y mit l'adresse, et rendit le tout au forçat. — Maintenant, dit celui-ci, je pars. Ce soir j ' a u r a i la fièvre. Surtout, cachezvous bien. A bientôt ! — A bientôt, et puissiez-vous réussir! Le transporté disparut aussitôt derrière les lianes épaisses. Le vieux Casimir avait gardé le silence pendant toute cette scène, en partie inintelligible pour lui. Il fut stupéfait, à la vue de la transfiguration qui venait s'opérer sur les traits de son ami. Robin n'était plus reconnaissable. Ses yeux brillaient d'un feu inaccoutumé, sa figure pâle s'empourprait. A son habituelle taciturnité avait tout à coup

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