Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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était bien vieux. Avait-il le droit de spéculer sur la profonde affection que iui témoigna dès le premier jour le déshérité, pour lui faire

quitter l'Eden

embelli par ses mains mutilées, ce confort de solitaire, ces chères habitudes de reclus, cette vie facile de grand air et de liberté ! Ah I certes, Robin n'était pas égoïste. Il rendait de tout son cœur l'affection que lui témoignait le vieillard, et s'ingéniait à lui rendre agréable ce lambeau d'existence. Mais Casimir avait tant et si bien insisté, que Robin avait dit oui. Le lépreux avait pleuré de joie et remercié à genoux son bon compé blanc. D'un mouvement irréfléchi, d'un de ces gestes commandés par le cœur, le déporté l'avait relevé. — Ah! fit douloureusement le vieillard. Ou qu'a touché m o . . . Ou fika kokobé (vous deviendrez lépreux). — Non, Casimir, n'aie aucune crainte. Je suis heureux d'avoir serré ta main, bonne et chère créature qui n'existes que pour le bien... « Crois-moi, mon ami, ta maladie est bien moins contagieuse qu'on ne le croit généralement. J'ai beaucoup étudié en France. Eh bien! des médecicj. de grands savants affirment qu'elle ne se communique pas. « Quelques-uns même qui exercent dans les pays où sévit la lèpre, prétendent qu'on peut en enrayer les progrès en s'éloignant des lieux où elle a été contractée. « Ainsi, c'est un double motif pour que je t'emmène en quelque endroit que j'aille. » Casimir n'avait compris qu'une chose, c'est que son blanc ne le quitterait pas. De plus, il lui avait serré la main. Depuis près de quinze ans, pareille chose ne lui était arrivée. Il serait donc inutile de décrire l'émotion dont il fut agité. A dater de ce moment, leur résolution fut prise. Ils construiraient un canot bien léger, d'un faible tirant d'eau, et dans lequel on entasserait le plus de provisions possibles. Ces provisions se composeraient essentiellement de couac (farine de manioc) et de poisson séché. Quand l'embarcation serait prête, on descendrait la crique pendant la nuit seulement. Pendant le jour, la pirogue serait dissimulée dans les lianes et les plantes encombrant les berges, et les deux hommes reposeraient sous les arbres. '

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Us traverseraient le Maroni, remonteraient son cours jusqu'à ce qu'ils aient

trouvé un affluent considérable coupant la pointe de la Guyane hollandaise


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