Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE Il était à la fois redouté et respecté. Ces gens comprenaient qu'il n'était pas de leur « monde ». Il avait, de plus, l'honneur d'être particulièrement haï de la chiourne dont il endurait d'ailleurs les traitements sans proférer une plainte. Il vivait toujours seul et ne parlait jamais. Nul ne s'étonna de son évasion, et tous firent des vœux pour son succès. C'était en outre un bon tour dont le surveillant Benoît, la terreur de tous ces bandits, devait être la première victime...

Un bain prolongé dans les eaux glaciales de la crique, procura au fugitif un bien-être immédiat. Il retira patiemment les épines dont la présence le faisait horriblement souffrir, frotta ses pieds avec la dernière goutte de tafia qu'il gardait avec la parcimonie d'un avare, aspira une gorgée d'eau, et allait se mettre en quête de son dîner, quand un cri de joie lui échappa, à la vue d'un simarouba. — Je ne mourrai pas de faim aujourd'hui, dit-il à la vue de l'admirable végétal. Le quassia simarouba de Linnée, l'amara simaruba d'Aublet, est employé en médecine pour les propriétés toniques de son écorce et de ses racines, mais il ne porte pas de fruits ni de bourgeons comestibles. Rien ne semblait de prime abord légitimer le cri du fugitif et son espoir d'apaiser sa faim. Il s'avança pourtant aussi vite que le lui permettaient ses plaies, arriva bientôt près du tronc, et écarta de la pointe de son couteau les feuilles sèches, formant un lit épais que jonchaient les fleurs et les fruits tombés de l'arbre. Sa lame rencontra un corps dur. — Enfin, dit-il, mes compagnons ne se trompaient donc pas. Si, pendant ma captivité, j ' a i entendu d'étranges et horribles choses, il en est d'autres qui avaient bien leur utilité. « Je me rappelle cette dernière recommandation, adressée par son voisin à un de ceux que berçait aussi le fol espoir de la liberté : « Situ rencontres dans les « bois un simarouba qui perd ses fleurs, cherche au pied de l'arbre. Tu trou « veras certainement des tortues de terre. Elles sont très friandes du fruit qui « commence à se développer. » Le corps dur qu'avait heurté son sabre, était la carapace d'une de ces grosses tortues si savoureuses que l'on rencontre par place en nombre incroyable


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