Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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LES ROBINSONS DE LA GUYANE

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moment de fièvre, résister à la démangeaison, il se gratta avec une telle fureur qu'il contracta une maladie grave dont la guérison se fit longtemps attendre. Pour comble de malheur, il fut un jour frappé d'un accès aigu de fièvre paludéenne qui faillit l'emporter. Il resta huit jours entiers entre la vie et la mort. Inutile de dire que Robin, familiarisé depuis longtemps avec ce climat terrible; supportait admirablement sa nouvelle position. Le contentement moral et le bonheur physique semblaient l'avoir rajeuni de dix ans. Il n'est pas, enfin, jusqu'au bon vieux Casimir qui n'eût subi une complète métamorphose. Robin lui avait dit autrefois que certains cas de lèpre invétérée s'étaient spontanément guéris grâce à un changement de climat et d'habitudes; son affirmation s'était pleinement réalisée. Le séjour dans l'habitation située à mi-côte, parfaitement saine, bien sèche, une vie active de grand air, et aussi une abondante absorption de salsepareille, l'avaient complètement guéri. Ses plaies s'étaient cicatrisées, à peine si l'on apercevait encore quelques squammes blanchâtres aux points envahis primitivement par ce mal horrible. Ses doigts encore ankylosés n'avaient pas recouvré leur élasticité première, sa jambe était toujours éléphantiasique, mais, en somme, il n'était plus répugnant comme avant, en dépit de l'inépuisable bonté de son excellent cœur. Aussi, fallait-il le voir, tontonner allègrement sur sa jambe piédestal, autour des enfants qu'il adorait et qui le lui rendaient bien, les initier à toutes les subtilités de je vie sauvage, leur apprendre à manier les outils, à façonner le bois, à tresser les joncs ou les lianes, à filer le coton, ou imiter les cris des animaux de la forêt. Les petits Robinsons étaient dignes d'un tel maître. Mais, si d'une part, leur éducation matérielle ne laissait rien à désirer, leur instruction morale avançait rapidement. Les livres manquaient, il est vrai, mais n'avaient-ils pas le grand et superbe livre de la nature que leur père feuilletait sans cesse avec eux ! Ce savant n'avait-il pas tout ce qu'il fallait pour faire le meilleur professeur! N'était-il pas merveilleusement secondé par sa femme, cette admirable créature qui, à la vaste érudition d'une incomparable institutrice, joignait toutes les ingénieuses tendresses d'une mère ! Aussi, la classe des Robinsons était-elle une classe bien tenue. La discipline était parfaite et les progrès étonnants. L'étude des langues vivantes était activement poussée. On parlait couramment le français, l'anglais et l'espagnol, sans compter le cayennais, que les enfants patoisaient mieux que père et mère, à la profonde jubilation de Casimir. Les cahiers d'écriture... je dis les cahiers d'écriture, étaient superbes. Mais avant de continuer la nomenclature des perfections de nos petits amis, expli-


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