Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

— Mo savé. Nous fika chose la caba. Ou vini ké mo, ké Nicolas. (Je sais. Nous allons faire cela immédiatement, venez avec moi et Nicolas.) — Mais, que veux-tu faire ? — Tendez oun sô pitit morceau, ou voué. (Attendez seulement un peu, et vous allez voir.) Impossible d'en tirer autre chose. Les trois hommes, armés de leurs sabres partirent sans plus tarder pour l'anse aux Cocotiers. Le point à défendre avait à peine soixante mètres de large. Le vieillard se fit fort de le rendre inabordable en moins de trois heures. — Faites comme moi, compère, dit-il dans son patois, et en creusant avec la pointe de son sabre un trou profond à peine de quinze centimètres. Trois secondes suffirent aux deux hommes pour pratiquer, dans le terrain friable, chacun une petite excavation éloignée l'une de l'autre d'environ trente centimètres. — Encore... Là... continuons. Une première ligne de trous fut exécutée en moins d'un quart d'heure, puis une seconde, puis une troisième, à peu près parallèles les unes aux autres, et perpendiculaires à l'habitation. — Que diable veut-il planter là-dedans, des choux ou des artichauds ? demanda Nicolas, trempé de sueur, bien que ce travail n'eût en somme rien de pénible. — Tiens, dit Robin, j ' y pense. Ce ne serait pas si naïf... Non pas des choux, mais des aloës, des nopals, des agaves et des Euphorbes. — Ça même, reprit le bonhomme. On comprend tout, compé. — Mais c'est tout simple. Nous allons couper des boutures sur ces énormes végétaux qui croissent ici à profusion, planter deux cents cinquante à trois cents de ces boutures, et dans deux mois, il y aura ici une formidable futaie d'épines et de chevaux de frise à faire reculer un corps d'armée. « C'est la clôture par excellence employée par les Espagnols à Cuba, par les Français en Algérie, et aussi par les Brésiliens. — Je ne dis pas que ce ne soit une très bonne chose, objecta Nicolas; si pourtant on s'avisait avec le temps de s'ouvrir un chemin au sabre d'abatis. — Jamais mouns blancs pouvé passé là, reprit avec un accent de menace le lépreux. Ce bagage-là, quand li poussé li plein aye-aye, plein grage, plein boicinenga. (Jamais les blancs ne pourront passer par là. Quand ces plantes-là seront poussées elles fourmilleront d'aye-aye, de grages et de serpents à sonnettes.)


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