Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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LES R O B I N S O N S DE LA G U Y A N E

produisaient un drôle d'effet, tandis qu'aujourd'hui je vois qu'il y a de bien bonnes gens parmi eux. « A propos, vous me rappelez que j ' a i de l'argent à lui donner. Il faut qu'il passe à la caisse... « Hé 1 Angosso !... Angosso 1 — Qué ça oulé, mouché, fit le noir. — ... Ça oulé... ça oulé... Je veux te donner tes deux pièces de cent sous, tes sous marqués ; les rouleaux, quoi. — Ah 1 oui. Mo content. — Moi aussi, j e suis content. Nous sommes tous enchantés de tes services. Voici la somme, mon camarade, termina-t-il en lui remettant ses deux pièces de cinq francs. Le noir, après avoir reçu son salaire, resta un moment bouche béante devant le Parisien. Ses deux gros yeux de porcelaine contemplaient avec une ardente fixité la chaîne d'argent aux « coulants » de jade vert, à laquelle était attachée la montre de Nicolas. — Oh! murmura-t-il, li beau! — Vingt-trois francs trente, à la foire aux pains d'épices. C'est pour rien. — Li beau trop beaucoup! — Peuh! un pauvre petit article de Paris. Tiens, dites donc, m'sieu le Boni, si le cœur vous en dit, l'objet est à votre service. Vous vous êtes assez gentiment conduit à notre égard pour qu'on vous procure un petit plaisir. « Et voila! estimable canotier, dit-il après avoir décroché la chaîne. » Angosso pâlit de bonheur en la recevant du bout des doigts avec une joie craintive. — Ça bagage-là pou mô ? demanda-t-il anxieusement. — Ça bagage-là pou tô, riposta Nicolas, ravi de placer un mot de créole. Le Boni demeura un instant comme écrasé par ce bonheur inespéré. Sans dire un mot, il bondit vers son « pagara », sur lequel était enroulé son hamac, un de ces admirables tissus filés par les femmes de son pays, le déplia, et l'apporta en disant : — Ou compé Angosso. Angosso content bon bon. Li baïe z'hamac pour pitits mouns, li baïe sab' la pour compé blanc. (Vous êtes le compère d'Angosso. Angosso est très content. Il donne son hamac pour les enfants ; il fait cadeau de son sabre à son compère blanc.) — Mais non, ce n'est pas la peine. Que diable, je ne vous ai pas fait un cadeau intéressé.


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