Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

case qui se dresse gracieusement au milieu de l'espace découvert. Les enfants oub ient leurs fatigues et s'élancent en poussant des cris de joie. — Moi aussi, ma chère et vaillante femme, dit avec une profonde émotior. Robin, dont la voix tremble légèrement, j ' a i fait un peu de géographie pendant ton absence. J'ai donné à cette habitation le nom de la

Bonne-Mère.

« Cette appellation te convient-elle? — Oh ! mon ami, combien je suis heureuse ! comme je te remercie 1 — Eh bien! entrons donc à la Bonne-Mère. Les trois hommes avaient réalisé un tour de force. Il est vrai que le Boni était passé maître ès architecture coloniale, que les doigts du pauvre lépreux possédaient encore une dextérité sans pareille, et que les travaux du pénitencier avaient, hélas! fait de l'ingénieur un charpentier sans égal. Aussi, cette case dans la confection de laquelle ne sont, et pour cause, entrés ni un clou ni une cheville, est une véritable merveille. Elle ne mesure pas moins de quinze mètres de longueur, sur cinq de largeur, et trois cinquante de hauteur jusqu'à la toiture. Les murailles légères, tressées en fins gauletages perméables à l'air, mais non à la pluie, sont percées de quatre fenêtres et d'une porte. Elle peut impunément braver la rafale, car les quatre piliers, formant le gros œuvre de la construction, sont quatre arbres vigoureux, solidement implantés dans le sol par de profondes racines, et dont le tronc a été coupé au niveau de la base du toit. Ces arbres ont été réunis entre eux par quatre poutrelles attachées avec des fibres d'arouma arundinacœa,

consolidées elles-

mêmes par des lianes de bignone-osier. Les chevilles cèdent quelquefois, les mortaises éclatent souvent, ces lianes indestructibles valent mieux que le fil de fer galvanisé. Sur ce rectangle a été dressée une toiture en feuilles de waïe dont les chevrons en bois-eanon, extrêmement léger, sont reliés à leurs extrémités par le même procédé. Nous avons déjà parlé du waïe. C'est un beau palmiste à tige très courte, formant un énorme bouquet plutôt qu'un arbre. Ses feuilles sont composées. La nervure médiane a souvent quatre mètres de longueur, et les folioles atteignent jusqu'à cinquante et soixante centimètres. Elles s'insèrent des deux côtés comme les barbes d'une plume. L'ouvrier qui veut en faire une toiture rabat sur celles qui leur sont opposées les folioles insérées de l'autre côté, les tresse à la base à la façon des paillassons des maraîchers. Il possède de la sorte une surface plane de quatre mètres de long sur cinquante centimètres de large, qu'il pose sur les chevrons, et immobilise comme les poutres


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