Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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liaire. Angosso avait rempli toutes ses promesses. Il parlait de retourner à son village et, comme il était le légitime propriétaire de la pirogue, son dépari constituerait pour nos amis un véritable désastre. Il fallait le décider à pousser en avant, et ce n'était pas chose facile. Nos pauvres Robinsons, vu leur dénûment complet, n'avaient rien à lui offrir pouvant exciter sa convoitise de sauvage. Pourvu d'un assortiment complet de couteaux à six sous, de colliers, de perles et de cotonnades, échangés à la fac torerie d'Albina, Angosso était pour le moment un capitaliste désireux d'étaler ses trésors aux yeux de ses compatriotes. Il résistait doucement, mais avec fermeté, à toutes les prières, et Robin constatait non sans angoisse qu'il ne pourrait peut-être pas le fléchir, quand, par le plus grand hasard, Nicolas sauva la situation. Il n'entendait pas un traître mot au patois nègre, il comprenait pourtant à la pantomime du proscrit que les affaires n'allaient pas. — Est-il long à se décider, celui-là. Voyons, dit-il en interpellant le Boni vous êtes un bon garçon, n'est-ce pas, moi aussi. Entre braves gens, il y a toujours moyen de s'entendre. Angosso, impassible comme un manitou d'ébène, écoutait sans interrompre et sans comprendre. — A Paris, on pourrait à la rigueur trouver du crédit en souscrivant des billets, mais c'est une monnaie qui n'a pas cours ici, car je crois que les endosseurs sont rares. Si pourtant vous vouliez accepter un paiement en argent.. Ma foi, je paierais bien la course, et je donnerais un pourboire raisonnable. — De l'argent... interrompit Robin, vous avez de l'argent? — Ma foi, oui, quelques vieilles pièces de cent sous qui se promènent dans ma poche... Tenez, dit-il au Boni en lui montrant cinq francs, connaissez-vous ces médailles-là, monsieur le sauvage ? — Oh 1 s'écria Angosso radieux, les yeux ouverts jusqu'aux tempes, les narines aplaties sur les joues, la bouche béante, ça, rouleau I... — Tiens ! il connaît notre métal blanc, le naïf enfant de la nature. Bonne affaire alors. Il appelle ça un rouleau dans son patois ; au fait, les philosophes de la langue-verte les nomment bien des roues de derrière. « Oui, estimable canotier, un rouleau, deux rouleaux, trois et même quatre rouleaux...

Une fortune, en échange de votre péniche et de vos bons soins.

Cela vous va-t-il ? — Mouché, disait Casimir... mouché, ou gain sous marqués. (Vous avez des


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