Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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— Cherche!... Fagot!... Cherche!... à moi!... à moi, mon chien! L'animal flaira le tissu, aspira fortement l'air, frétilla de la queue, jappa, comme pour dire: « J'ai compris... » et s'élança au dehors. — Fichu temps, et véritable temps d'évasion, grommela un des trois surveillants, trempé jusqu'aux os par l'averse, avant même d'avoir fait dix mètres ; du diable si nous allons jamais retrouver notre homme. — Oui, renchérit un autre, il ne manquerait plus que de mettre le pied sur un serpent grage, ou de nous envaser dans une savane

tremblante.

— Avec ça, dit le troisième, que son chien pourra sentir l'évadé.

Il y a

beau temps que la pluie a lavé toute trace et enlevé toute odeur. Robin ne pouvait véritablement mieux choisir son moment. — Allons, vous autres, en avant! Vous entendez, il ne s'agit pas de s'amuser à la moutarde. Dans un quart d'heure à peine, l'orage sera dissipé. La lune brillera, on y verra comme en plein j o u r ; suivons la rive du Maroni, et, au petit bonheur! Les quatre hommes, précédés du chien, s'avancèrent sans bruit, en file indienne, dans un petit sentier à peine frayé au milieu des broussailles et qui devait s'étendre assez loin vers le haut du fleuve. La chasse à l'homme était commencée. Au moment où les forçats se rendaient sur deux rangs à l'appel, la sentinelle en faction près du bâtiment avait distinctement vu, à la lueur d'un éclair, un homme quitter les rangs et s'enfuir à toutes jambes. Il n'y avait pas d'erreur possible. Le fugitif portait la lugubre livrée du bagne. Le soldat n'hésita pas. Les ordres étaient formels. Il arma précipitamment son fusil, et fit feu sans avoir même crié : « Qui-vive?... » En dépit des fulgurations dont le flamboiement continu lui permettait de voir distinctement, il manqua son homme le plus naturellement du monde. Celui-ci entendit siffler la balle, détala de plus belle et s'enfonça dans les broussailles. Il disparut au moment où les soldats du poste accouraient en armes. Sans se préoccuper en aucune façon de la pluie, du vent et de la foudre, il s'avança en plein bois avec l'assurance d'un homme auquel sont familiers les moindres accidents de terrain. Il s'orienta à la lueur des éclairs, obliqua sur la gauche, en tournant le dos au pénitencier, et en laissant par conséquent le fleuve à sa droite. Il suivait une imperceptible trace, précédemment ouverte dans l'épaisse


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