Les grands aventuriers à travers le monde : les robinsons de la Guyane. Partie 1

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L E S R O B I N S O N S DE LA GUYANE

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advienne, je ne faiblirai pas. J'ai depuis longtemps dit adieu à la vie civilisée. Elle m'a ravi le bonheur. Puisse la vie sauvage que nous allons mener apporter un soulagement à nos maux, un dédommagement à nos peines ! « Dans tous les c a s , croyez-bien, monsieur, vous la personnification de nos bienfaiteurs inconnus, que ma reconnaissance est profonde, inaltérable. Où que vous soyez, quel que soit le sort que l'avenir nous réserve à tous, celui qui souffre et qui attend vous bénira, et ces pauvres petits exilés s'uniront toujours à lui dans cette pensée de gratitude. » Les proscrits avaient, comme le disait le mystérieux capitaine, porté bonheur au Tropic-Bird. Jamais peut-être, de. mémoire de matelot guyanais, traversée ne fut plus rapide. Le cotre fila d'une telle allure, que trente-six heures après avoir quitté la rivière de Surinam, on signalait l'île Clotilde située à l'extrémité de la pointe Galibi, qui forme un côté de l'embouchure du Maroni. Telle est la largeur du fleuve, que l'on apercevait à peine la rive française. Le bâtiment, son pavillon à l'arrière, s'engagea dans la passe, franchit la barre, longea au plus près la rive hollandaise, et jeta l'ancre en face le poste d'Albina sans avoir atterri au pénitencier français. Cet ennui une fois évité, le capitaine se mit aussitôt en quête d'une embarcation indigène. Il la fit recouvrir à la partie médiane d'une sorte de dais en feuilles de palmier qui devait protéger les passagers contre l'insolation, et l'approvisionna largement. Par bonheur, un nègre boni qui se trouvait à l'habitation allait remonter dans son village situé à quinze jours de canotage dans le haut du fleuve. Il consentit, moyennant quelques bibelots d'exportation, à s'adjoindre aux deux matelots. Cet appoint d'un homme rompu à la navigation fluviale était une bonne fortune inespérée. Au lieu de vingt heures, on n'en mettrait que douze pour arriver au saut Hermina. Pour plus de sûreté, le voyage s'effectua la nuit. Il s'accomplit avec non moins de bonheur que le précédent. M

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Robin et ses enfants, encore tout étourdis de cette fantastique succes-

sion d'événements, habitaient depuis quelques heures un minuscule continent à peu près circulaire, de cent mètres à peine de diamètre. Un véritable bouquet feuillu, ayant sa petite plage de sable fin et sa roche granitique. Les petits Robinsons, ravis, emplissaient l'air de cris joyeux. Nicolas, soustrait au mal de mer, trouvait que la vie est une excellente chose. Le campement était installé. Le Boni avait déjà péché un aïmara superbe, qui grésillait sur un brasier. On allait prendre le premier repas, quand là-bas, bien loin sur la rive


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