Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

Page 73

ANGE

PITOU

49

et je fusillais ses habitants : par là j'obtenais le secret des mouvements des armées républicaines et nous en informions l'armée royale. A cette époque le sort des commis n'était pas très heureux : Pracos trouvait ma bourse et ma table fort commodes. M . Pitou et moi passions à ses yeux pour des agents secrets du gouvernement, et ce titre nous donnait le droit, sans scandale, de changer de nom. V e r s le m i l i e u de s e p t e m b r e , R e n é P i t o u et T h e n a i s i e arrivèrent à P a r i s p o u r c o m m a n d e r une fourniture extraordinaire de p o u d r e et d'armes, dont on avait un besoin u r g e n t . L e s d e u x frères L o r r a i n furent m a n d é s , et bientôt on eut r é u n i i , 5 o o fusils, 2o milliers de p o u d r e et d'autres m u n i t i o n s . P o u r assurer l ' e n v o i d'une telle c a r g a i s o n , il fallait des passeports, des c o m m i s s i o n s , des feuilles de route : les c o n n a i s s a n c e s de P i t o u a u x J a c o b i n s en fournirent une partie qui fut payée 20,000 francs, les frères L o r r a i n p o u r le m ê m e p r i x firent le reste; c o m m e les fonds étaient insuffisants, 40,000 francs furent avancés par M o l e t t e et P i t o u , et le tout passa sans difficulté. A u s s i t ô t arrivés, T h e n a i s i e et R e n é P i t o u furent e n v o y é s à nouveau à P a r i s avec des fonds et une n o u v e l l e c o m m a n d e ; mais, pris en route par les r é p u b l i c a i n s , et d i r i g é s sur T o u r s , puis sur N a n t e s , ils furent « j u g é s à m o r t » par la c o m m i s s i o n \

I.Les assignats d'Ange Pitou séduisaient les Jacobins; son physique et l'agrément de sa tournure séduisirent également leurs femmes, le tout pour le plus grand succès de la cause royale. Ainsi, parmi les personnes qu'il voyait aux Jacobins, se trouvait l'épouse d'un fournisseur de l'armée, révolutionnaire exalté qui, contraint de quitter Paris, y avait laissé sa femme pour le tenir au courant des journaux et des actes divers des clubs des Jacobins et des Cordeliers. Ce mari avait confié sa femme aux principaux sectaires, qui l'avaient initiée aux comités secrets; mais, bien que Dufourni, le président des Frères et A

mis, eût fait prêter serment aux frères et aux sœurs de respecter le lien Conjugal surtout en faveur des absents, la confiance de l'époux n'avait pas éte telle qu'il ne laissât près de son épouse un enfant de huit ans, qui accompagnait sa mère partout, et notamment dans les tribunes des Jacobins, où elle Passait la plus grande partie de son temps. «Madame, pour s'en venger, me fit connaître qu'elle ne partageait point l'opinion de son mari : une pareille rencontre était une bonne fortune; je lui rendis plusieurs visites; elle me donna des notes précieuses, " Nous parvînmes à éloigner son jeune Argus pour aller dîner aux ChampsElysées. Une migraine de commande fit emmener l'enfant par la belle-sœur, et la mère vint me trouver sous l'orgue de Saint-Roch. Nous dînâmes plus promptement que je ne voulais; madame n'avait cédé que par complaisance et ne se trouvait à l'aise que chez elle; nous y revînmes de bonne heure. Le bout de son mouchoir sortait de sa poche; en entrant il s'accroche au 4


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.