Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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PIÈCES

JUSTIFICATIVES

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manquaient; M. Pitou et moi firent les avances de cette dernière somme. Le tout parvint à sa destination sans accident. A peine arrivés, Thenaisie et René Pitou furent envoyés vers nous avec des fonds et une nouvelle demande ; ils furent pris en route par les républicains et envoyés à T o u r s , à Nantes, et jugés à mort par la c o m m i s s i o n . Au mois d'octobre, M. Pitou lui-même fut arrêté; il avait échappé tant de fois aux républicains que j'espérais le revoir bientôt; mais j'appris qu'on le destinait au tribunal révolutionnaire. Je le crus mort d'après les charges qui existaient contre l u i ; je le perdis de vue jusqu'en 1 7 9 5 . Malgré ces alertes, je continuai ma mission comme par le passé, mais avec plus de réserve. M. Grémi fut seul mon correspondant; j'attendais toujours René Pitou et Thenaisie pour nos 4 0 , 0 0 0 francs; j'appris leur sort trois mois après leur jugement et je ne fus remboursé de nos avances qu'à la fin de 1 7 9 4 ; le discrédit du papier avait réduit la somme au dixième de sa valeur. Après la mort de Robespierre, les communications devinrent plus aisées, la guerre se ralentit, je visitai la V e n d é e : c'est là que j'appris que M. Pitou, échappé au tribunal révolutionnaire, chantait et prêchait la royauté sur les places publiques. Je revins à Paris en juillet 1 7 9 5 , j'allai retrouver le chanteur, et nous réglâmes nos comptes sans c o n testations, car il avait beaucoup d'argent. N o u s continuâmes à réarmer la Vendée jusqu'à la mort de Gharette. A cette époque, M. Grémi voulut se retirer des affaires et j'allai prendre des instructions; il m'adressa à M. Cousin, qui était venu à Paris pour connaître les localités. M. Cousin m'adressa à M. D e l a lande, marchand de dentelles. Ce dernier remplaça M. Grémi pour le transport des munitions. N o u s étions en 1 7 9 7 ; le numéraire avait remplacé le papier, la Vendée était ruinée et les envois d'argent se faisaient avec beaucoup de peine. Pour mon compte, j'avais fait des avances qui me rentraient difficilement. Je ne sais d'où M. Pitou tirait les fonds, mais, depuis qu'il chantait, il m'en trouvait toujours. Il allait souvent coucher en prison ; ce séjour qui ruine tout le monde semblait l'enrichir. Il m'a donné plusieurs fois des sommes considérables pour acheter des armes et pour remplir des missions secrètes; c'est lui qui m'a fait connaître le général Pichegru et la réunion de Clichy. Quoique M. Pitou, par ses imprimés, eut gagné une grosse fortune, il se trouvait sans argent du jour au lendemain et je ne lui connais pas de défaut. Il m'avait tellement accoutumé à ses prodiges de fortune, que je lui donnais souvent mon avoir c o m m e à un banquier. Quelques jours avant le 18 fructidor, il fut arrêté. Il n'avait point d'argent. Il m'appelle à sa prison pour aller régler nos c o m p t e s ; j'y vais, nous réglons. 11 me prie d'aller annoncer au général Pichegru


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