Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

Page 304

280

ANGE

PITOU

succédèrent aux complications, les chinoiseries furent multipliées, la fournie déploya ses plus savantes et perfides m a n œ u vres, et l'infortuné se vit bientôt enserré dans u n tel réseau de formalités, qu'il lui fut impossible de s'en dégager. Il serait fastidieux de s'engager, à sa suite, dans u n pareil labyrinthe ; la question n'a, d'ailleurs, q u ' u n intérêt strictement personnel, les d'Orléans ne p o u v a n t être incriminés dé n'avoir pas payé les dettes des B o u r b o n s , q u a n d ceux-ci s'y étaient c o n s t a m m e n t refusés. Il faut donc s'en tenir aux grandes lignes et systématiquement négliger des détails, qui surchargeraient le récit, sans grand intérêt ni profit. La préfecture de police mit u n e sage lenteur à examiner le dossier, sur lequel cependant elle avait déjà fourni u n rapport en 1 8 2 g ; en n o v e m b r e 1 8 3 3 seulement, le directeur de l'enregistrement et des d o m a i n e s , d ' H o c h e r e a u concluait au renvoi de cette affaire devant la commission des dettes, qui venait d'être précisément renouvelée au mois de juin de cette a n n é e ; mais le préfet de la Seine s'empressait de décharger l'État et déclarait que la liquidation de la créance regardait la liste civile. C'était la continuation du m ê m e système, qui avait prévalu depuis vingt a n s ; toutes les administrations reconnaissaient la réalité de la dette, mais aucune ne voulait la payer, et toutes se renvoyaient m u t u e l l e m e n t le créancier. Le d u c de Bassano, président de la commission des dettes royales, semble bien avoir pris l'affaire à c œ u r ; mais il ne put obtenir de résultat appréciable. Ange P i t o u , alors, s'adressa au ministre des finances H u m a n n , qui avait p o u r théorie « de faire rendre au fisc tout ce qu'il pouvait d o n n e r » : ce n'était peut-être pas tout à fait l ' h o m m e de la situation, et le réclamant n'eut pas à se louer de sa d é m a r c h e , car, de ce côté, il reçut u n refus catégorique. Il recourut alors au roi qui, en 1 8 3 5 , fit à nouveau examiner l'affaire (c'était au m o i n s la sixième fois depuis 1815 q u ' u n e enquête officielle était o r d o n n é e à ce sujet et q u ' u n rapport était déposé !) : Viollet Le D u c , l'ancien commissaire de 1825, qui depuis lors avait conçu p o u r Ange P i t o u des sentim e n t s d'affectueuse estime et toujours lui témoigna le dévouement le plus sincère, s'entremit auprès de L o u i s - P h i l i p p e , et, u n e fois de plus, il fut décidé qu'il fallait en finir! La situation du pauvre h o m m e était véritablement lamentable. T o u s les deux ans, il recevait de l'État u n secours variant entre 100 et 188 francs, aussi la misère était-elle sa compagne la plus ordinaire dans son réduit de la rue C h a b a n a i s , puis de la rue


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.