Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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de Duriez, ne c o m p r e n a n t rien à cette m a n œ u v r e , déclara naïvement que son client avait bien été payé et qu'il estimait la s o m m e suffisante; il allait ainsi contre les intérêts qu'il représentait, puisqu'il reconnaissait le bien-fondé de la réclamation de l'adversaire. O n vit alors u n spectacle tout à fait a m u s a n t et p r o bablement u n i q u e dans les annales judiciaires, le d e m a n d e u r p r e n d r e la défense du défendeur et plaider contre soi-même, et P i t o u , qui attaquait Duriez, se constituer à l'audience le défenseur officieux de ce m ê m e Duriez, que son avocat venait de c o m p r o m e t t r e en faveur de lui, P i t o u . L'imbroglio était inextric a b l e ; les juges durent se prendre la tête p o u r essayer de c o m p r e n d r e , et finalement le tribunal c o n d a m n a Duriez à payer à Pitou les 5oo francs que celui-ci lui réclamait ainsi que les dépens. E n s o m m e , le pauvre Duriez, qui avait reçu 600 francs p o u r la fourniture totale du lit, était obligé d'en d o n n e r 5oo à P i t o u p o u r le seul traversin, et les frais du procès à sa charge le m e t taient en r e t o u r ; c'était lui le mauvais m a r c h a n d de cette affaire, à laquelle il s'était prêté par camaraderie, et il ne dut apprécier que médiocrement la manière dont son ami pratiquait l'art des nuances. Ce jugement, r e n d u ' e n 1 8 2 1 , r e d o n n a de l'espoir à G r a n d s i r e et à ses soutiens, et, au début de 1822, ce dernier c o m m e n t a , dans u n e b r o c h u r e , le jugement du tribunal, persifflant son adverversaire et relatant à sa manière les péripéties de la nuit du i 3 février 1820. Cette attitude exaspéra Ange P i t o u et suscita une nouvelle affaire, qu'il nous faut bien rapporter en quelques lignes, aussi brèves que possible, quelque fastidieuse que soit u n e telle n a r r a t i o n . Les esprits étaient très surexcités : Grandsire prétendait que Pitou était un prêtre marié et lui faisait adresser des lettres de menaces ainsi qu'à sa f e m m e ; P i t o u , lui, fit m a r c h e r les huissiers. Le 26 mars 1822, s o m m a t i o n était faite en son n o m , à Grandsire, d'avoir à déclarer qu'il avait bien fourni le « véritable dernier coucher du duc de Berry »; le 10 avril, autre s o m m a t i o n , au vicomte de L a Boulaye, d'avoir à affirmer que P i t o u était « libclliste et calomniateur »; et b r o c h a n t sur le tout, une plainte était déposée par l'irascible libraire au p r o c u r e u r du roi contre le vicomte de La Boulaye, p o u r forfaiture, et contre G r a n d s i r e , pour faux et sacrilège. N a t u r e l l e m e n t , ces plaintes motivèrent des o r d o n n a n c e s de n o n - l i e u ; mais Pitou ne se laissait pas d é m o n t e r , et, le 17 avril, il assignait G r a n d s i r e , à la fois devant le juge de paix et devant le tribunal civil.


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