Ange Pitou Agent royaliste et chanteur des rues (1767-1846)

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PITOU

E t en terminant, toujours à p r o p o s de ce matelas de Duriez, il émettait ce v œ u sublime, d'un comique véritablement p r o d i gieux : « Si la Révolution reparaissait, que ce c o u c h e r serve d'oriflamme contre l'anarchie et de bannière p o u r la paix! » Mais à côté de ces inepties, se trouvent des passages parfaitement intéressants : il y avait alors chez Ange P i t o u coexistence de deux personnages, d ' u n sot emphatique et maladroit et d'un observateur avisé et plein de souvenirs curieux. P o u r lui l'essentiel était de bien partir, de trouver sa voie et de ne point se hausser à des missions au-dessus de ses m o y e n s : mais la fatalité voulut que ce fut toujours à des entreprises h o r s de son emploi qu'il c o m p r o m i t u n talent qui, mieux exercé, eût été susceptible de quelques h e u r e u x résultats. A la suite de ces publications d'Ange P i t o u , u n revirement assez significatif se manifesta dans la presse et dans l'opinion : le 16 mai 1820, la Galette de France publiait u n article très vif contre G r a n d s i r e , qui motiva u n e note officielle déclarant q u e la pension concédée au secrétaire général de l'Opéra n'avait pas eu p o u r raison la fourniture du lit mortuaire du P r i n c e , « mais les services généraux et particuliers qu'il avait pu r e n d r e dans cette nuit fatale ». T o u s les ministres, députés, journalistes, magistrats, recevaient les b r o c h u r e s d'Ange P i t o u , et la vérité commençait à se faire jour : le 27 mai, la duchesse de Berry accordait 600 francs à l'écrivain ; quelques jours après, le ministre de l'Intérieur lui en envoyait 200, et lui témoignait ses regrets de ne pouvoir faire davantage. Les choses t o u r n a i e n t mal p o u r Grandsire : alors, battant en retraite sur la prétention d'avoir fourni tout le lit, il se contenta d'affirmer qu'à u n m o m e n t d o n n é , on avait eu besoin de ses m a telas p o u r hausser la couche du m o u r a n t ; et, p o u r confirmer son dire, il exhibait des matelas et des linges ensanglantés, dont il offrit m ê m e des fragments à titre de relique. L'affaire alors prit u n e t o u r n u r e é p i q u e ; Ange P i t o u , s'enquit publiquement de la nature de ces taches sanglantes, émettant à ce p r o p o s des suppositions aussi vraisemblables q u e s a u g r e n u e s : « Q u i prouve que ces effets n'ont pas été prêtés à u n e femme ou à u n malade q u ' o n aurait saigné ? » Inutile d'insister, et l'on c o m 1

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1. Journal des Débats. 17 mai 1820. 2. Toute la vérité au Roi. t. II. pp. 14 et i 5 , 104 et i o 5 . — Ailleurs, il ajoute toujours à propos de ce matelas de M. et de M" Grandsire et des taches sanglantes qui s'y trouvaient : « Si ces marques, lugubres et saintes venant 10


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